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Gwendal Perrin
Protection sociale complémentaire : petite révolution à prévoir pour les fonctionnaires
La réforme attendue de la protection sociale complémentaire des agents de la fonction publique prend des contours de plus en plus concrets. Avec, pour principale avancée, un financement accru des couvertures prévoyance et santé des agents par l’employeur public… Explications.
Vers une généralisation de la complémentaire santé… dans le secteur public ? Cinq ans après l’entrée en vigueur de l’ANI instaurant une telle généralisation au sein du secteur privé, le secteur public va connaître lui aussi, de manière progressive, une petite révolution à ce sujet. Une réforme d’envergure avec des contours qui restent toutefois à affiner.
Après des mois de discussions avec les organisations syndicales, après – également – la publication d’un fort attendu (et plutôt critique) rapport inter-inspections sur l’avenir de la protection sociale complémentaire des agents publics, la ministre de la transformation et de la fonction publiques Amélie de Montchalin a officialisé la volonté de voir les règles changer.
Vers un alignement sur le secteur privé
Elle annonce ainsi prévoir une participation obligatoire des employeurs publics au financement de la complémentaire santé des agents publics, pour l’heure facultative et à des montants très nettement inférieurs aux 50% du privé. Un montant minimal non encore figé est prévu pour 2022, année d’élection présidentielle, jusqu’à 50% dès 2024 pour les agents de la fonction publique d’État (2026 pour ceux des fonctions publiques hospitalière et territoriale). L’ordonnance devant figer ces principes est attendue pour janvier, avec un projet de texte qui vient juste d’être présenté. Une mesure qui, au bas mot, représenterait l’équivalent de deux milliards d’euros par an.
L’un des points qui posent pour l’heure un certain nombre de questions est la forme de cette participation. Car contrairement au privé, les fonctionnaires n’ont pas obligation de souscrire à une assurance complémentaire santé… Or si la ministre souligne aux organisations syndicales sa volonté de transposer le modèle du privé via des contrats collectifs obligatoires, la Mutualité Fonction Publique (MFP), qui vient de publier 18 propositions d’amélioration de la situation actuelle sous la forme d’un plaidoyer commun à l’ensemble de ses membres, garde vivaces quelques craintes.
Un réalignement trop large ?
« L’État place aujourd’hui comme référence ce qui se passe dans le secteur privé. C’est toutefois une référence qui ne prend en compte que les travailleurs actifs, là où les dispositifs existants dans les mutuelles de la fonction publique englobent les retraités. Et pour l’heure, la ministre n’est guère précise sur ce point », souligne le président de la MFP (et ex-président de la MGEFI) Serge Brichet. La CFDT Fonctions Publiques estime de son côté avoir « obtenu des engagements sur le maintien des solidarités », incluant donc les retraités.
Le sujet de la prévoyance n’est pas oublié : « Dès 2021, le gouvernement reviendra sur une mesure adoptée en 2015 ayant limité le versement d’un capital décès à 13 888 € pour l’établir à un an de rémunération. Des discussions s’engageront également en 2021 pour la mise en place d’un régime pérenne plus protecteur pour les agents de l’État. Les employeurs territoriaux définiront leur participation aux contrats de prévoyance », souligne Amélie de Montchalin.
Ce qui vaut cette réflexion de la Mutuelle Nationale des Fonctionnaires des Collectivités Territoriales (MNFCT, groupe Macif), qui « propose que le socle minimum sur lequel participeront les employeurs publics comprennent des garanties en cas de mise en retraite pour invalidité. En effet, la mise en retraite pour invalidité représentant souvent pour les agents concernés une assignation à vivre dans la précarité jusqu’à la fin de leurs jours ».
Des questions encore sans réponse
Un projet d’ordonnance sera donc soumis au Conseil commun de la fonction publique pour fixer ces nouvelles dispositions au mois de janvier. Seront attendus d’ici là un certain nombre d’éclaircissements, à la fois pour les fonctions publiques hospitalière et territoriale (moins mises en avant que celle d’État) mais aussi pour la coexistence de ces nouvelles règles avec celles existantes – les référencements dans les ministères se concluant par exemple entre 2024 et 2026.
Ce qui inquiète d’ailleurs Serge Brichet, par ailleurs globalement satisfait de ces avancées, à la fois d’un point de vue opérationnel et juridique : « si ce système fonctionne sous la forme d’un chèque dédié, sur le modèle du chèque transport existant (…) il n’y aura pas de distinction en fonction du type de couverture choisi par l’agent » – notamment de la part d’organismes fonctionnant en dehors des conventions de référencement, ce qui lui fait dire que ces modalités pourraient « perturber l’organisation du modèle mutualiste à terme ». Par ailleurs, quant à l’existant, Serge Brichet considère qu’il y aura « des travaux juridiques à mener pour attester de la compatibilité de ces situations ».