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Jacques des Courtils

La PSC des fonctionnaires : progrès social ou rendez-vous manqué ?

Ce 7 juin, lors de l’assemblée générale de la MFP (Mutualité Fonction Publique), Serge Brichet, le président, fit le point sur l’actualité de la réforme de la protection sociale complémentaire (PSC) des agents des trois Fonctions publiques (d’Etat, des collectivités territoriales, hospitalière). Ainsi qu’il le dit, « défendre la PSC des agents publics, ce n’est pas une découverte pour la MFP ». Et Serge Brichet persiste dans nombre de ses critiques antérieures.

Ainsi, alors que le gouvernement déclare vouloir rendre les métiers de la Fonction publique attractifs, il y a quelque incohérence car si la mise en place de la PSC pourrait aller dans ce sens, ce n’est pas forcément le chemin que cette réforme emprunte. En effet, au final, le risque –ce n’est pas une certitude- est que cette PSC se traduise par un surcoût pour les fonctionnaires qui souhaiteraient être couverts en santé et (le « et » est important) en prévoyance.

Autre incohérence qu’il relève, « le savoir-faire des mutuelles en matière de prévention est très peu pris en compte » au moment où les Pouvoirs publics annoncent un virage préventif en matière de santé.

Un imbroglio

D’une façon générale, il constate, d’ailleurs, que la mise en œuvre de cette réforme, « en réalité ces trois réformes », souffre de l’ignorance des administrations de ce qu’est vraiment la protection sociale complémentaire des fonctionnaires. Ce qui aboutit à « un maquis, un imbroglio »

Pour la fonction publique d’Etat, il y a déjà « un décalage dans la mise en œuvre » : la signature des premiers contrats santé dans les ministères est prévue dorénavant à horizon janvier 2025, soit un an plus tard que ce qui était annoncé à l’origine. En outre, toujours pour la Fonction publique d’Etat, si, en santé, « cela avance même si ce n’est pas abouti, c’est à l’arrêt en prévoyance ». En ce qui concerne la territoriale, les négociations sont en cours, et la prévoyance est prise en compte, mais il subsiste de nombreuses zones d’ombre. Quant à l’hospitalière, la réforme n’est pas vraiment engagée.

En fait, reprenant, dit-il, « des propos tenus par différents acteurs », il juge que l’on est face à « un mur d’interrogations » et se demande « quel jeu joue le gouvernement ».

Il est vrai que, selon lui, les rencontres ministérielles de la MFP et des organisations syndicales ont montré « la méconnaissance qu’avaient les pouvoirs publics des dispositifs existant aujourd’hui ». Point positif, ces rencontres ont permis « de faire prendre conscience aux pouvoirs publics de la réalité de la protection sociale des agents publics ».

Quant à la méthode de travail du gouvernement, il juge que le « stop and go n’est pas toujours efficace ».

En fait, Serge Brichet estime que les ministres ont des « discours ambigus » qui installent une « cacophonie » (il emploie également un mot plus dur).

Une réforme de paradoxes

Au final, pour lui, « ce qui s’installe c’est une réforme de paradoxes ».

Ainsi, dans la Fonction publique d’Etat, le résultat sera-t-il « des contrats collectifs en santé et une labellisation en prévoyance ? »

Laquelle prévoyance sera prise en charge en partie par l’employeur dans la Fonction publique territoriale, un autre « paradoxe ».

Par ailleurs, « Comment aurait-on imaginé que la prévention soit si mal traitée dans les futurs cahiers des charges et l’accompagnement social négligé ? » lance-t-il.

Enfin, selon lui, sont négligés les possibles effets collatéraux de cette réforme, en particulier la possible recomposition du paysage mutualiste, les risques de contentieux ainsi que les « enjeux sociaux pour les opérateurs qui ne seraient pas retenus ».

Propos appuyés par l’une des déléguées à l’AG selon laquelle la concurrence sur la PSC (hospitalière en l’occurrence) peut « fragiliser les mutuelles et ouvrir la porte au lucratif ».

Un délégué d’une mutuelle territoriale soulève un autre problème : constatant que « les contrats collectifs obligatoires perdent, globalement, de l’argent » on peut considérer que « c’est l’individuel qui paie l’obligatoire ». Pour lui, « la labellisation est le système le plus cohérent avec l’éthique et la pratique mutualiste ».

Dans le même sens, un représentant de Klesia mut s’interroge sur la future gouvernance des mutuelles dans la mesure où ce sera l‘employeur, qui, in fine, signera un contrat. « Quelle sera la représentation réelle des adhérents ? »

Bref, pour Serge Brichet, « dans quelques mois, on saura s’il s’est agit d’un progrès social ou d’un rendez-vous manqué ».