Source : argusdelassurance.com

Gwendal Perrin, Laure Viel

 

Protection sociale des fonctionnaires : une réforme qui intrigue

 

Si l’ensemble des acteurs concernés par la réforme de la protection sociale complémentaire des agents publics se réjouit de la forte hausse attendue de la participation financière des employeurs publics, les modalités de cette réforme soulèvent un certain nombre de réserves, voire de craintes.

La fin d’année 2020 aura été marquée par l’officialisation d’une réforme attendue (et discutée) de longue date : celle de la protection sociale complémentaire des agents de la fonction publique. La situation existante avait été vertement critiquée par un rapport inter-inspections (IGA, Igas, IGF), notamment en raison de la (très) faible participation financière des divers employeurs publics aux couvertures santé et prévoyance de leurs agents.

« Ce sujet est redevenu majeur avec l’arrivée de Gérald Darmanin au ministère du Budget (NDLR : en 2017) : le rétablissement du jour de carence avait été mis en balance avec une amélioration de la protection sociale complémentaire des agents publics », rappelle préalablement Luc Farré, secrétaire général de l’UNSA-Fonction Publique.

Si toutes les parties prenantes du sujet accueillent (logiquement) favorablement la promesse de hausse notoire de la participation financière des employeurs publics à hauteur de 50%, sur le modèle du privé (NDLR : actuellement, cette participation est entre 0 et 10% dans les ministères, souvent plus dans la fonction publique territoriale), les modalités, quelque peu précisées par un projet d’ordonnance prévu de longue date et présenté fin décembre 2020, dévoilé notamment par l’Argus, interrogent.

Une transposition privé/public qui inquiète

« L’État place aujourd’hui comme référence ce qui se passe dans le secteur privé. C’est toutefois une référence qui ne prend en compte que les travailleurs actifs, là où les dispositifs existants dans les mutuelles de la fonction publique englobent les retraités. Et pour l’heure, la ministre n’est guère précise sur ce point », soulignait déjà le président de la Mutualité Fonction publique (MFP) Serge Brichet avant ledit projet d’ordonnance.

« La réforme telle qu’elle est actuellement entendue ne tient pas compte des retraités. Pourtant, pour des mutuelles comme les nôtres, ils constituent près de la moitié de notre portefeuille, assurés via des mécanismes de solidarité générationnelle – qui ne sont pas compris dans un système de contrats collectifs à adhésion obligatoire pour les actifs. C’est d’ailleurs le principal défaut des contrats proposés aux salariés en entreprise », regrette de son côté Roland Berthilier, président de la MGEN.

Des garanties encore imprécises 

Une des autres inquiétudes majeures concerne la prévoyance, distinguée de la santé dans ce projet d’ordonnance là où les mutuelles de la fonction publique jouent traditionnellement la carte du couplage entre ces deux risques. Si la participation financière minimale de 20% prévue pour la territoriale relève d’un « accord verbal », relève Luc Farré, la situation reste floue pour les fonctions publiques d’État et hospitalière.

Autre point d’achoppement commun : le contenu desdites garanties en santé. Le projet d’ordonnance met en avant comme base socle celle du panier de soins ANI transposé du secteur privé, ce qui ne satisfait guère Luc Farré : « Il est nécessaire que ces garanties minimales ne soient pas figées sur le panier de soins ANI mais sur les réels besoins des agents, sans quoi, comme on a pu le voir dans le privé, ils devront massivement recourir à des surcomplémentaires : s’il n’y a pas de retour positif sur leur pouvoir d’achat, quel intérêt ? ». Or, comme le relève le secrétaire national de l’UNSA-Fonction Publique, outre le jour de carence, le pouvoir d’achat des fonctionnaires souffre aussi d’un gel des indices depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée.

Ce texte sera soumis au Comité commun de la Fonction publique (CCFP) le 18 janvier prochain pour examen, projet d’ordonnance qui fait encore l’objet de discussions à l’heure actuelle.