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Grégoire Faney

La MFP publie un plaidoyer sur la PSC des fonctionnaires et pointe la question des dispositifs de solidarité

 

La Mutualité fonction publique a présenté ce 17 décembre 2020 un « plaidoyer » contenant 18 propositions en vue d’une réforme de la protection sociale complémentaire (PSC) des fonctionnaires. Alors que le ministère de la Fonction publique vient de poser les grands principes pour la future ordonnance mettant en œuvre cette réforme, la MFP salue la reprise de plusieurs de ses propositions phares. Mais s’inquiète aussi du « flou » des intentions gouvernementales concernant la préservation des dispositifs de solidarité entre agents publics et actifs et retraités.

Les représentants de la MFP ont fait parvenir ce 17 décembre 2020 le contenu de leur plaidoyer à la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Amélie de Montchalin. Ce document, dont les grandes lignes avaient déjà été présentées lors d’une précédente conférence de presse, comporte au total 18 propositions, reprenant les positions défendues de longue date par la fédération mutualiste, dont l’idée d’une nécessaire solidarité intergénérationnelle entre agents actifs et retraités.

Le président de la MFP, Serge Brichet, a également commenté les annonces formulées le 14 décembre dernier par la DGAFP lors d’une rencontre avec les organisations syndicales concernant les orientations que devrait prendre la future ordonnance sur la PSC des fonctionnaires. Il s’est félicité des nombreuses « similitudes » entre ces grands principes désormais repris par le ministère, et ceux contenus dans le plaidoyer mutualiste.

UN « VOLONTARISME » GUIDE PAR L’URGENCE

La DGAFP avance en effet avoir acté certains principes centraux pour les mutuelles, dont l’idée d’un couplage des couvertures santé et prévoyance, la nécessité d’une mutualisation des couvertures entre actifs et retraités, ou encore l’idée d’une participation obligatoire des employeurs, qui pourraient atteindre à terme les 50 % comme dans le secteur privé pour la couverture santé.

En parallèle de cette présentation de la DGAFP, la MFP a également rencontré le 14 décembre dernier la ministre de la Transformation et de l’Action publique, Amélie de Montchalin, qui a confirmé ces grandes pistes. À l’issue de cette rencontre, le président de la MFP salue « une interlocutrice ayant une vraie connaissance du dossier » et se montrant très « volontariste », avec « une vraie volonté d’agir… et d’agir vite même ». À noter que ce « volontarisme » nouvellement affiché par le gouvernement sur la PSC s’explique aussi par l’urgence croissante pour négocier concrètement le contenu de l’ordonnance sur la PSC, qui doit impérativement être promulguée avant le 7 mars 2021.

LES IMPLICATIONS DE LA PISTE D’UN « CHEQUE SANTE »

Tout en saluant la reprise de nombre de ses propositions, la MFP s’inquiète toutefois que ce nouvel état d’esprit se transforme en précipitation, au risque d’entraîner des dommages collatéraux pour l’équilibre actuel de la PSC. À l’issue de leur rencontre avec Amélie de Montchalin, les représentants de la MFP, qui remarquent que la ministre s’appuie beaucoup sur l’exemple de la réforme de la PSC dans le secteur privé, notent aussi qu’une faible attention semble jusqu’ici avoir été portée à ces possibles effets.

Ces craintes se focalisent notamment sur l’idée d’un « chèque santé », évoqué à plusieurs reprises par la ministre lors de cette entrevue.

L’idée d’un « chèque santé », à l’instar d’un « chèque transport », semble au premier abord séduisante, et fournirait une certaine souplesse, en permettant d’attribuer directement au fonctionnaire une aide financière pour payer sa couverture complémentaire – à l’image de l’ancien dispositif de l’ACS (1), ou du chèque santé mis en place dans certains secteurs professionnels.

Du point de vue des pouvoirs publics et des organisations syndicales, la mise en place de cette aide aurait aussi l’avantage de permettre un déploiement assez rapide, sans attendre l’achèvement de certaines procédures – telles que la prochaine phase de référencement d’assureurs pour la fonction d’État, qui n’interviendra pas avant 2024. Lors de sa rencontre avec la MFP, Amélie de Montchalin aurait ainsi évoqué l’hypothèse d’un chèque santé abondé à terme à hauteur de 30 ou 50 euros mensuels par agent – ce qui correspondrait à peu près à un financement employeur à hauteur de 50 % des coûts.

CRAINTE D’UN REGAIN DE CONCURRENCE

Mais la MFP souligne qu’un déploiement non régulé d’une telle aide aurait un impact potentiel sur les dispositifs existants – qu’il s’agisse des couvertures référencées pour la fonction publique d’État, ou des couvertures labellisées et des conventions de participation pour la fonction publique territoriale. Si le chèque santé n’est pas restreint à ces couvertures (sélectionnées sur des cahiers des charges précis), les mutualistes craignent qu’il crée un appel d’air en ouvrant le marché des couvertures santé/prévoyance des fonctionnaires à de nouveaux opérateurs assurantiels. Ce qui entraînerait un fort regain de concurrence… mais aussi une potentielle déstabilisation des actuels dispositifs de solidarité.

Ces dispositifs, tels que la mutualisation des couvertures entre actifs-retraités ou entre agents de différentes catégories, sont actuellement soutenus par le biais des cahiers des charges publics liés aux référencements ou labellisation/convention de participation. Si demain l’aide financière du chèque santé n’était plus conditionnée à ces « labels », le respect de ces dispositifs de mutualisation/solidarité pourrait de facto devenir un handicap pour les opérateurs, sur le plan purement concurrentiel.

Le plaidoyer de la MFP explicite ainsi ce risque, qui existe déjà à ce jour malgré les dispositifs de labellisations : « Force est de constater qu’aujourd’hui, à l’État, comme à la territoriale, le jeu de la concurrence est incontestablement faussé dans la mesure où les opérateurs ‘historiques’ mutualisent largement les populations retraitées ou encore les plus fragiles (catégorie C), portant ainsi seuls le coût de la solidarité intergénérationnelle. A contrario, pour équilibrer financièrement son contrat, un nouvel opérateur « entrant », cherchera à attirer uniquement les jeunes actifs au détriment des retraités, ou les seules catégories A plus contributives au détriment des catégories C ».

« FLOU » DU MINISTERE SUR LES DISPOSITIFS DE SOLIDARITE ?

La fédération des mutuelles de la fonction publique devrait être d’autant plus vigilante sur ce risque qu’elle estime par ailleurs que les pistes gouvernementales restent pour l’heure assez « floues » quant aux garanties apportées concernant justement la prolongation de ces dispositifs de solidarité. Alors qu’Amélie de Montchalin dresse un parallèle avec le secteur privé, la MFP ne manque pas ainsi de rappeler que l’ANI de janvier 2013 avait entraîné une forme de démutualisation des risques entre actifs et retraités.

Pour cette même raison, la MFP s’interroge sur la piste d’une mise en place de contrats collectifs pour les fonctionnaires – craignant à nouveau que cette mise en place, faute d’adaptation, n’entraîne un fossé entre actifs et retraités, comme dans le secteur privé.

Le plaidoyer de la MFP se distancie aussi du modèle du secteur privé en refusant l’idée d’une adhésion obligatoire des fonctionnaires en échange de la mise en place de contrats collectifs avec participation conséquente de l’employeur. Alors que cette idée d’une adhésion obligatoire semblerait avoir les faveurs du ministère, les organisations syndicales restent divisées sur cette question. Quant aux mutualistes, Serge Brichet, sans aller jusqu’à parler d’un « consensus », indique que ce rejet de l’adhésion obligatoire est un « choix défendu par l’ensemble des composantes de la MFP ».

Dans son plaidoyer, la fédération mutualiste indique ainsi que « l’adhésion des agents publics doit rester libre. L’employeur public ne doit pas disposer du pouvoir de choisir à la place de l’agent. Un dispositif non contraignant pour les personnels publics, mais suffisamment incitatif, peut permettre à lui seul de faire adhérer le plus grand nombre ». « Concilier liberté contractuelle et large mutualisation est possible », conclut-elle.