AEF

La Mutualité fonction publique (MFP) et sept fédérations syndicales de la fonction publique (CFTC, CGT, FA, FO, FSU, Solidaires, Unsa) ont publié le 6 février 2020 une déclaration unitaire réclamant l’ouverture de négociations sur la réforme par ordonnance de la protection sociale complémentaire des agents publics. Pour cadrer cette réforme, les signataires de la déclaration fixent cinq conditions essentielles pour la mise en place d’une couverture globale « juste et solidaire », reflet d’une « politique ambitieuse ». Deux de ces conditions se posent à rebours de certaines « dérives ».

En publiant jeudi 6 février une déclaration unitaire sur les enjeux de la protection sociale complémentaire, les organisations syndicales de la fonction publique et l’union des mutuelles MFP veulent remettre à l’ordre du jour un dossier qui tend à rester dans l’ombre – alors que les concertations autour de la réforme des retraites mobilisent plus que jamais l’attention de tous les acteurs.

Les signataires rappellent que le gouvernement s’était pourtant engagé, dans le cadre de la loi de transformation de la fonction publique, à réformer par voie d’ordonnance dans un délai de 15 mois, à savoir d’ici fin 2020, la protection sociale complémentaire des agents publics. « Pour autant, à ce jour, ce chantier ne figure toujours pas à l’agenda social, laissant les acteurs concernés dans la plus grande incertitude quant à l’avancée du dossier », déplorent les signataires de cette déclaration du 6 février.

UN COURRIER DES ORGANISATIONS SYNDICALES

En complément de la déclaration publiée le 6 février, les organisations syndicales signataires du texte ont également adressé le 7 février un courrier à l’intention du ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, et du secrétaire d’Etat, Olivier Dussopt. Dans ce bref courrier relayant la déclaration du 6 février, les représentants des organisations syndicales expriment de même leur « étonnement » de ne toujours pas voir le sujet de la PSC inscrit à l’ordre du jour de l’agenda social de la fonction publique. Les auteurs de la lettre demandent l’ouverture « sans délai, d’un processus de négociations sur la nécessaire évolution de la protection sociale complémentaire des agent.e.s », et réclament par ailleurs la communication des rapports IGF/IGA/Igas diligentés à propos de la PSC.

Anticipant les premières orientations de cette réforme à venir, les organisations syndicales et les mutuelles MFP posent cinq « conditions essentielles » pour une protection sociale « ambitieuse », complétant « un régime d’assurance maladie obligatoire de haut niveau incontournable pour une véritable solidarité nationale ».

UNE MUTUALISATION ACTIFS-RETRAITÉS

Les signataires demandent en premier lieu la mise en place d’une couverture « mutualisant toutes les catégories d’actifs et les retraités », avec un périmètre large intégrant la couverture potentielle des agents non-titulaires et des ayant droits. Ce point est jugé « d’autant plus important compte tenu des éléments inscrits dans la loi de transformation de la Fonction publique du 6 août 2019 et de l’importance des solidarités intergénérationnelle, indiciaire et familiale, protections indispensables contre les situations de précarité ».

En second lieu, les organisations syndicales posent également le principe d’une adhésion libre des agents actifs ou retraités. Ce principe, qui prévaut actuellement dans les couvertures référencées (FPE) ou labellisées (FPT), distingue la fonction publique du secteur privé, où les couvertures d’entreprises sont obligatoires pour les salariés. Mais pour éviter que ces couvertures ne concernent qu’une part marginale des agents ou – d’un point de vue plus économique – pour éviter qu’elles ne rassemblent que du « mauvais risque » (1), les signataires préconisent également une participation financière « significative » et « incitative » de la part de l’employeur public. L’appel ne va pas toutefois jusqu’à mentionner une participation minimale à hauteur de 50 % des cotisations – comme le prévoit actuellement la réglementation pour les entreprises privées. Les signataires demandent par contre un budget employeur dédié à ce financement spécifique, et ce  » sans réduire les crédits alloués pour la valorisation des rémunérations des personnels des trois versants de la fonction publique ».

DEUX CONDITIONS À REBOURS DES ÉVOLUTIONS DE 2017

Les signataires défendent également deux autres principes, qu’on retrouve déjà dans la plupart des appels à référencement lancés jusqu’ici par les ministères (et les collectivités territoriales pour le second principe) pour la couverture de leurs agents : l’idée d’une couverture incluant à la fois des garanties santé et prévoyance, et l’idée d’inclusion de critères de solidarité dans le processus de sélection des opérateurs « retenus » pour assurer les agents publics. Mais le détail de ces principes comporte deux points qui ne manqueront pas d’être débattus avec les pouvoirs publics, et qui apparaissent notamment à rebours des tendances exprimées lors de la dernière vague de référencement d’opérateurs dans la fonction publique d’État.

D’une part, la déclaration stipule que les couvertures « globales » à mettre en place devront non seulement intégrer les risques santé et prévoyance classiques (frais de santé, incapacité temporaire de travail, invalidité, décès)… mais aussi une couverture de la perte d’autonomie. Si cette couverture dépendance – très rare dans le secteur privé – est historiquement plus diffusée dans le secteur public grâce à l’implication de la MFP et de certaines de ses mutuelles – au premier rang desquelles la MGEN- elle tend cependant à se résorber. Ainsi, dans son référencement de juillet 2017 (lire sur AEF info), le ministère de l’Éducation nationale a-t-il fait le choix de rendre optionnelle les garanties dépendance dans la couverture référencée (2). La plupart des ministères ont de même opté pour des couvertures dépendance facultatives.

D’autre part, sur un plan plus « politique », les organisations signataires intègrent, dans leur conception des critères de sélection solidaire d’opérateurs, l’idée « d’absence de but lucratif ». Là aussi, cette idée de non-lucrativité, défendue à la fois par la MFP et les organisations syndicales, a été battue en brèche lors de la dernière campagne de référencement de 2017. Pour reprendre encore l’exemple du ministère de l’Éducation nationale, l’administration a décidé lors de ce renouvellement de co-référencer plusieurs acteurs… dont une offre portée à la fois par la mutuelle Intériale et le groupe AXA.

(1) Entendre par cette expression, issue du vocabulaire des actuaires, qu’une couverture se retrouve avec un équilibre économique précaire, car rassemblant/mutualisant trop de personnes ayant d’importants besoins de soins, et trop peu de personnes en « bonne santé ».

(2) Or de nombreuses études scientifiques démontrent les biais comportementaux à l’égard du risque dépendance, avec une forme de « myopie » des assurés qui les amène à ne pas s’assurer quand le choix leur est laissé, alors même que, paradoxalement, ils ont conscience de la lourdeur du risque potentiel.