OBSERVATOIRE
MFP

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L’hôpital en souffrance

Voilà encore un paradoxe de la vie moderne :
celles et ceux qui nous soignent souffrent. Rythmes de travail éprouvants, nouvelles organisations consécutives à la tarification à l’activité,  pertes de repères, déficit de moyens… les raisons ne manquent pas. Les carrières s’abrègent, les burn-out se multiplient. Frédéric Moatty, chargé de recherche au CNRS, connaît bien le milieu hospitalier auquel il a consacré études et ouvrages avec Gheorghiu Mihaï Dinu. Ses analyses sont pragmatiques et sensibles.

En 2013, Frédéric Moatty, chargé de recherche au CNRS, publie avec Gheorghiu Mihaï Dinu.
L’hôpital en mouvement. Changements organisationnels et conditions de travail.
Cinq années après, nous lui avons demandé quelle était la nature des nouveaux mouvements à l’hôpital et leurs conséquences sur le personnel soignant.

Avec la tarification à l’activité, l’hôpital semble subir de nouveaux mouvements. Son modèle d’organisation semble basculer vers une logique de rendement et ce n’est pas sans conséquences.

Frédéric Moatty La tarification à l’activité n’est pas vraiment une logique de rendement. Si un hôpital veut avoir des moyens, il est rémunéré en fonction de la quantité d’activités réalisées. Ce n’est pas tout à fait la même chose. Je constate d’abord que puisque les hôpitaux sont incités à justifier de leur activité, ils répondent plus que jamais présents lorsqu’il y a une épidémie ou une crise sanitaire. Au-delà de ce premier constat, il est vrai que l’on a augmenté beaucoup plus vite le nombre d’actes que le nombre de soignants. Voilà pourquoi, les cadences de travail ont augmenté pour les soignants mais c’est moins vrai pour les médecins.

Pourquoi cette distorsion ?

F.M. Parce qu’on a recruté des médecins. La charge de travail des soignants, quant à elle, a été augmentée. Et vous rencontrez là un problème purement mécanique : si vous avez des personnes qui ont plus d’activités que ce qu’elles peuvent faire, elles n’auront plus le temps de s’occuper correctement des malades. Et si vous avez davantage de malades, se posent à vous des problèmes de disponibilité, de mémoire ou de concentration.

Avec pour conséquence un suivi moins attentionné des patients ?

F.M. Moins attentionné, non. C’est davantage une question de disponibilité, de temps. La charge de travail ayant augmenté, les soignants ne peuvent pas forcément faire face à tout. Soigner c’est aussi prendre soin des malades. Or, si les soignants assurent toujours la partie technique de leur travail, ils n’ont plus forcément le temps de prendre soin. Prendre soin, c’est expliquer ce qu’on fait, rassurer les gens, rassurer les familles. Tout ce travail d’accompagnement diminue. Le problème existait déjà avant les réformes mais les réformes l’ont amplifié.

 

Il y a un autre phénomène qui évolue :
la flexibilisation de la main-d’oeuvre.

F.M. Oui et cela a énormément augmenté. Changer de poste en fonction des besoins du service est passé de 9 % à 17 % entre 2003 et 2013 chez les infirmiers ! Ceci est la conséquence de l’organisation en pôles. Jusqu’à présent, les équipes étaient affectées à un service. Aujourd’hui, les pôles regroupent plusieurs services et les soignants peuvent passer d’un service à l’autre au sein d’un même pôle. Le danger, c’est qu’ils n’ont pas forcément les compétences. Si vous avez des compétences en pédiatrie et que l’on vous envoie dans un service de gériatrie, vous allez avoir l’impression de mal faire votre travail.
Il ne faut pas oublier que la professionnalisation des infirmiers s’est construite autour de la spécialisation. Vous êtes infirmier spécialisé en gériatrie, en pédiatrie, en cancérologie… La flexibilité va à l’encontre de l’évolution professionnelle. La flexibilité défait le métier. Vous êtes taillable et corvéable à merci, vous devenez un bouche-trou. Cette flexibilité est très mal perçue mais il faut aussi y apporter quelques nuances.

“Il ne faut pas oublier que la professionnalisation  des infirmiers s’est construite autour de la spécialisation. Vous êtes infirmier spécialisé en gériatrie, en pédiatrie, en cancérologie…
La flexibilité va à l’encontre de l’évolution professionnelle. La flexibilité défait le métier.”

Lesquelles ?

F.M. Les syndicats combattent cette évolution mais les perceptions individuelles diffèrent. À titre personnel, vous pouvez être heureux d’aller travailler dans un autre service parce que c’est une source de formation et d’apprentissage et je crois qu’il y a 2/3 des gens qui en sont satisfaits de ce point de vue mais beaucoup le redoutent aussi car ils sentent qu’ils peuvent commettre une erreur.

Au-delà des évolutions récentes, les jeunes générations Y et Z abordent-elles le métier de soignant différemment de leurs aînés ?

F.M. Les anciennes générations étaient dans une logique où elles ne comptaient pas leurs heures. Elles vivaient leur métier dans une logique d’engagement. Les jeunes générations sont davantage dans le donnant-donnant. De façon générale, c’est un métier où on ne compte pas ses heures… mais depuis les 35 heures, on les compte davantage.

Mais quel que soit leur âge, tous les soignants sont exposés aux problèmes d’efficacité et aux agressions qui peuvent survenir. Les considère-t-on toujours comme indispensables ?

F.M. Oui et c’est un point très positif. Autant les conditions de travail des personnels hospitaliers sont difficiles et même parmi les plus difficiles, autant la source principale de reconnaissance des soignants, ce sont les malades et c’est très important pour eux. Être personnel soignant reste un beau métier. Ils ont le sentiment d’être utiles,  ils ont la fierté d’exercer ce travail. On l’entend dans nos entretiens avec eux. Cependant, le sentiment de fierté du travail bien fait est plus faible chez les infirmiers que chez  les agents d’entretien. C’est une différence assez nette. Ils sont obligés de travailler vite. Ils n’ont pas toujours le sentiment de pouvoir bien faire leur travail du point de vue de leurs normes professionnelles. Ils ont l’impression d’avoir été trop vite, de ne pas avoir eu le temps d’expliquer.  À leur sentiment global de fierté se mêle l’impression  de ne pas pouvoir faire le travail comme il le faudrait.

Et dans ce contexte, comment vivent-ils les agressions qui les visent ?

F.M. Elles émanent davantage des familles que des patients. Ces violences se concentrent dans certains services.
Je pense notamment aux urgences ou aux hôpitaux psychiatriques. Dans les hôpitaux psychiatriques,  les problèmes sont liés à la maladie. Par conséquent,  la violence qui surgit dans ce contexte est comprise.  Elle est naturellement intégrée. Il faut faire attention mais ça fait partie du métier.

Comment expliquez-vous la recrudescence d’actes irrespectueux, d’intimidations ou de violences à l’égard des personnels soignants ?

F.M. Elles C’est vrai que la violence a augmenté mais comme  je vous le disais plus tôt, elle vient souvent des familles.
Les gens sont exigeants, ils veulent tout savoir tout  de suite. Il y a là un paradoxe : le droit du malade existe.  Les demandes d’information s’accroissent mais les infirmiers n’ont pas le temps matériellement d’y répondre. Le meilleur moyen de désarmer la violence, c’est la parole mais pour ça, il faut avoir du temps. Ajoutez à cela une mauvaise compréhension de la part des patients. Ils arrivent les premiers aux urgences et pensent être traités rapidement alors que la logique médicale des urgences priorise selon la gravité des cas. La logique médicale c’est le risque, le danger, pas l’heure d’arrivée. N’oublions pas non plus que les personnes précaires socialement fréquentent souvent les urgences. Elles n’ont pas de médecin traitant, elles ne peuvent pas avancer les frais et ce public revient souvent. Tout cela crée de l’incompréhension.

 

Le métier de soignant souffre-t-il d’une perte de repères ?

F.M. Oui, il y a une perte de repères. À partir du moment où soigner se réduit à sa part technique, cela entraîne
des pertes de repères. Beaucoup de soignants, notamment les plus âgés, ont l’impression qu’on les ampute de la moitié de leur travail. Les plus jeunes vont être plus adaptés. Enfin ceux qui résistent.

“Est-ce que je choisis mes enfants ou est-ce que je choisis  les malades ? Ce point-là est très important dans le ressenti personnel parce qu’il ne fait pas partie du contrat initial, il est hors contrat.”

Ceux qui résistent ?

F.M. Oui, il y a beaucoup d’abandons et c’est un vrai problème. Il y a beaucoup de gens qui s’engagent dans ce métier mais qui arrêtent en cours de route parce que c’est trop dur. Mais il y a une autre raison. Par le passé, les soignants venaient par vocation. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui viennent parce que c’est un emploi qui existe localement. Il n’est pas délocalisable, c’est un emploi sûr. Il n’y a pas forcément le même engagement dans le métier.

Dans l’étude nationale menée en 2018 par l’Observatoire MFP des fragilités  sociales dans la Fonction publique, plus de la moitié des agents hospitaliers déclarent se sentir fatigués au quotidien et ressentir des douleurs liées à la posture de travail.

F.M. Fatigué, il y a de quoi. L’intensification de l’activité est telle qu’aujourd’hui il n’y a plus beaucoup de moments de récupération. Il est donc naturel de se sentir fatigué.

Les hôpitaux prennent-ils en charge ces problématiques ?

F.M. Les pénibilités physiques ont légèrement diminué mais les directions hospitalières sont parfaitement conscientes des conditions de travail difficiles. Tout le monde le sait. Les conditions de travail du personnel hospitalier sont sans doute parmi les plus difficiles de la Fonction publique. Je pense notamment aux risques psychosociaux. Les directions hospitalières en sont conscientes. Dans la Fonction publique, ce sont celles qui ont le plus mis en oeuvre des plans de réduction des risques psychosociaux. Maintenant, est-ce que cela marche ?

Autre sujet : le rythme de travail. Selon les médecins du travail, l’organisation en 2 × 12 heures augmente la possibilité d’accidents et des TMS. Pourtant, cette organisation semble avoir la faveur des soignants. Pourquoi ?

F.M. Parce que dans leur immense majorité, les soignants… sont des soignantes. Cette organisation horaire est souvent plus facile pour la vie de famille et diminue les temps de trajet domicile-travail. Mais c’est une vision à court terme.
À long terme, c’est destructeur pour la santé.

Nous avons évoqué la flexibilité des postes mais il y a aussi la flexibilité horaire.

F.M. Absolument et c’est un point très important. Les personnels savent très bien qu’il y a du travail de nuit ou de week-end. Ça fait partie du contrat quand on est personnel hospitalier. Avec les réformes, une chose a changé. Il faut mettre les personnels en face des malades au moment où les malades sont là. Or, si une partie de la vie de l’hôpital peut être programmée, une autre partie n’est pas programmable. Une grosse partie de l’activité de l’hôpital est variable. Elle peut être provoquée par un épisode de maladie et on peut manquer d’effectifs pour y répondre. On va donc demander aux gens de revenir, parfois sur leur week-end, parfois sur leurs congés.

 

Ils ont obligation d’y répondre ?

F.M. Plus ou moins. Ils peuvent refuser mais après on ne leur accordera pas forcément les dates qui les arrangent. N’oubliez pas que l’absentéisme est important à l’hôpital pour tout un tas de raisons. C’est un lieu où les germes  pathogènes circulent, les conditions de travail sont difficiles et on peut vite fait se faire mal au dos, etc. Il y a beaucoup d’absentéisme à l’hôpital et pour de bonnes raisons. Il faut donc souvent remplacer au pied levé quelqu’un qui n’est pas là. Cela désorganise les équipes. On fait revenir des soignants. Ce sont souvent les mêmes qui reviennent  et, par conséquent, il y a une pression qui s’est développée depuis les réformes sur la question des horaires et c’est mal vécu. Quand vous êtes obligé d’annuler un week-end, de revenir subitement, d’annuler vos congés, lorsque vous n’avez pas de prévisibilité sur votre temps  personnel, vous en souffrez. Et c’est encore plus vrai pour le personnel féminin qui a des enfants et ne peut pas forcément se reposer sur un conjoint.

“Les directions hospitalières sont parfaitement conscientes des conditions de travail difficiles (…) du personnel hospitalier qui sont sans doute parmi les plus difficiles de la Fonction publique. Je pense notamment aux risques psychosociaux. Les directions hospitalières (…) sont celles qui ont le plus mis en oeuvre des plans de réduction des risques psychosociaux. Maintenant, est-ce que cela marche ?”

C’est un tiraillement personnel.

F.M. Oui. Qu’est-ce que je choisis ? Est-ce que je choisis mes enfants ou est-ce que je choisis les malades ? Ce point-là est très important dans le ressenti personnel parce qu’il ne fait pas partie du contrat initial, il est hors contrat. Vous pouvez accepter de travailler la nuit, de travailler le samedi mais à condition que ce soit prévisible. Ces contraintes-là sont acceptées et acceptables parce qu’elles font partie du métier mais celles qui s’ajoutent, les imprévisibles successives, conduisent à la démotivation, à la perte de repères que vous évoquiez. Dans le personnel soignant, nous avons deux extrêmes. D’un côté, un personnel assez âgé, 50-55 ans, qui a des problèmes de santé et de l’autre un personnel jeune qui a des enfants qui peuvent également être malades. Ces jeunes soignantes que Paul Bouffartigue(1) appelle les “jongleuses en blouse blanche” car elles doivent jongler avec leur temps de travail. A contrario, si on veut donner un point positif, c’est quand même le passage aux 35 heures qui a été ressenti comme quelque chose de très positif. Personne ne voudrait revenir sur les 35 heures même si
les 35 heures ont entraîné une hausse des cadences. Avec la mise en place des 35 heures, l’augmentation des cadences a été ressentie par le personnel hospitalier parce qu’on n’a pas créé assez de postes correspondants mais cela était accepté parce qu’il y avait un gain de temps pour la vie personnelle. Aujourd’hui, ils n’ont rien en échange.

(1) Sociologue français, directeur de recherche au CNRS. Auteur notamment avec Jacques Bouteiller de Temps de travail et temps de vie : Les nouveaux visages de la disponibilité temporelle (Édition PUF)

Il n’y a pas eu de compensations ?

F.M. Au début, de la T2A(2), l’hôpital a compensé avec des heures supplémentaires ou avec des intérimaires mais tous ces dispositifs étant coûteux. Les hôpitaux ont alors cherché à flexibiliser le personnel. Petit à petit ils ont serré les manettes et le personnel a l’impression de ne rien avoir en échange. Le point d’indice a été gelé depuis longtemps. Leur effort est grand mais il n’y a pas de contrepartie. Bien sûr, ils ne sont pas les seuls mais quand même lorsque l’on voit leurs conditions de travail… Et puis disons-le, le groupe infirmier a perdu de son influence. Auparavant, il y avait l’espoir ou l’envie d’avoir trois pouvoirs à l’hôpital :le pouvoir médical, le pouvoir administratif et le pouvoir soignant. Aujourd’hui, on constate clairement que le pouvoir soignant est sous la double dépendance du médecin et de l’administration. La tentative de création d’un pouvoir
autonome est délicate. La spécialisation est mise à mal. Certes, ils sont représentés dans les directoires mais ils le sont parce que ce sont les plus à même de savoir où on peut faire des économies ! Il reste un dernier point qu’il est important d’avoir en tête : les cadres de santé sont pris en étau. Ils sont juste au-dessus de l’infirmier et ils sont pris en étau entre les demandes des directions qu’ils doivent relayer  et les contraintes qu’ils doivent imposer à leurs équipes. Il y a là un problème de conflit de rôle. Auparavant il y avait une logique. Le cadre de santé était le représentant de son équipe. Maintenant, il est pris entre deux feux et il peut perdre sa légitimité auprès de ses équipes. Les nouveaux cadres de santé sont plus techniciens que soignants et la distance sociale entre les deux augmente. Malheureusement je n’ai pas de solution.

(2) T2A : Tarification à l’activité

Les solutions à trouver c’est toujours la raison d’être des réformes. L’hôpital est souvent vu comme un problème…

F.M. Le principal problème, ce n’est pas tellement l’hôpital, c’est le lien entre la médecine de ville et l’hôpital. Il y a quand même beaucoup de zones de territoires dans lesquelles il devient difficile de trouver un médecin. Le monde a changé et l’hôpital en France est excellent pour soigner après un accident de la route ou pour mener une opération complexe. Pour tout ce qui relève des soins techniques de très haut niveau, l’hôpital français est véritablement excellent. Il n’y a pas à le discuter. En revanche, l’hôpital a du mal à suivre, par exemple, des personnes âgées présentant des pathologies multiples et qu’on ne peut pas soigner avec une opération. Pour cela, l’hôpital n’est pas très bien adapté, ce n’est pas vraiment son coeur de métier.
Nous sommes devant une vraie difficulté où, en France, nous avons construit un monde centré sur l’hôpital et moins sur les soins de proximité. Je ne sais pas si un Plan suffira à résoudre cette équation. L’hôpital a perdu de sa centralité. Si vous êtes un centre hospitalier universitaire (CHU) extrêmement performant, reconnu internationalement pour ses découvertes et ses avancées, il n’y aura pas de problème. L’hôpital a plusieurs missions : la recherche, l’enseignement… Le soin est l’une des missions hospitalières. Pas la seule.

Personne ne voudrait revenir sur les 35 heures même si les 35 heures ont entraîné une hausse des cadences. Avec la mise en place des 35 heures, l’augmentation des cadences a été ressentie par le personnel hospitalier parce qu’on n’a pas créé assez de postes correspondants mais cela était accepté parce qu’il y avait un gain de temps pour la vie personnelle. Aujourd’hui, ils n’ont rien en échange.

Et tous ces enjeux recherche posent
de nouveaux enjeux financiers.

F.M. Exactement. Les moyens techniques dépassent les moyens financiers. Il y a des choses que nous pourrions guérir mais  nous n’en avons pas les moyens économiques. Les économistes appellent cela des choix tragiques. Pour être clair, il y a des pathologies que nous pouvons soigner de façon expérimentale avec quelques personnes intégrées dans un protocole de recherche mais cela coûte très cher. Tant que les coûts ne baisseront pas, on ne saura pas étendre ces traitements au plus grand nombre. Cela aussi fait partie des difficultés nouvelles de l’hôpital. Des difficultés que peut ressentir et mal vivre le personnel soignant.

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QUI EST
FRÉDÉRIC MOATTY ?

Chargé de recherche CNRS, affecté au Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique (Lise). Il est membre associé du Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET).

QUI EST
GHEORGHIU MIHAÏ DINU ?

Professeur à l’université de IASI (Roumanie), chercheur associé au Centre d’études de l’emploi et du travail & Centre européen de sociologie et science politique.

QUELLES LECTURES…
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