Le combat acharné d’une secrétaire de mairie

Dans l’effervescence de son vaste bureau, Sylvie Gibel, secrétaire de mairie à Montpezat dans le Gers, jongle habilement entre la gestion de courriels, la réception du courrier, et l’entrée de données dans divers logiciels sur son ordinateur. Tout en traitant les multiples demandes d’État civil de la semaine, elle organise méticuleusement les documents à faire signer au maire, jonglant avec des tâches allant de la recherche d’actes anciens à la résolution de problèmes d’urbanisme complexe avec la Direction départementale des territoires (DDT) du Gers. Toutefois, son rythme effréné s’interrompt lorsque les administrés frappent à sa porte.

Arlette, une habitante venue initialement pour des questions de bornage de propriété, prolonge sa visite en partageant ses préoccupations personnelles avec Sylvie. Malgré son programme chargé, Sylvie écoute attentivement, résout rapidement les problèmes administratifs d’Arlette, et celle-ci quitte la pièce le sourire aux lèvres. La secrétaire de mairie confie que c’est l’aspect humain de son travail qu’elle préfère, bien qu’elle se trouve constamment débordée. « M’occuper d’eux, c’est ce que je préfère. Je mets tout en pause pour les écouter, mais je n’ai malheureusement plus assez de temps à leur consacrer », avoue-t-elle.

Sylvie souligne la complexité croissante de sa profession, qui va bien au-delà de l’intitulé de « secrétaire ». Elle se décrit comme à la fois juriste, psychologue, urbaniste, médiatrice, comptable et DRH. Elle fait face à un bureau recouvert de Post-it colorés rappelant des échéances importantes, démontrant la pression constante liée aux normes, règles et à la dématérialisation.

Le maire de Montpezat, Guy Larée, reconnaît l’importance cruciale des secrétaires de mairie, affirmant qu’ils gèrent « 90 % » de ce qui se passe dans les communes. Cependant, malgré cette responsabilité, la profession ne semble plus attirer. Avec près de 2000 postes vacants et un quart des agents ayant plus de 58 ans, l’inquiétude grandit quant à la relève.

Sylvie, après 27 ans de service discret, a décidé de ne plus rester dans l’ombre. Elle a créé un groupe Facebook pour donner une voix à ses consœurs, mettant en lumière les défis quotidiens, le manque de reconnaissance, et les faibles perspectives d’évolution de carrière. Son initiative a suscité un intérêt considérable, rassemblant près de 2300 membres en moins de deux ans.

Son engagement a également attiré l’attention du ministère de la Transformation et de la Fonction publique, qui l’a invitée à rencontrer Stanislas Guérini à Paris. Bien que Sylvie soit satisfaite d’avoir été entendue, elle attend des actions concrètes. Des propositions de loi visant à améliorer la formation, à faciliter l’évolution de carrière et à revaloriser les salaires des secrétaires de mairie sont actuellement en cours d’adoption.

Sylvie ne relâche pas son combat au niveau local, rencontrant régulièrement des représentants officiels pour présenter ses revendications. Alors que des changements potentiels se profilent à l’horizon, elle allume son ordinateur avec un sentiment d’urgence, consciente que le temps presse et que de nombreuses tâches l’attendent.

Focus sur une consultation exceptionnelle :

L’Association des Maires de France (AMF) avait souligné les difficultés de recrutement des secrétaires de mairie, qualifiant la profession de « dévalorisée ». Un groupe Facebook « Revalorisons le métier de secrétaire de mairie » a recueilli 1 600 contributions, révélant le malaise et la nécessité d’une meilleure reconnaissance.

Le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini, et le ministre des Collectivités territoriales, Christophe Béchu, devront probablement aborder la question de la revalorisation des secrétaires de mairie. Les 25 000 agents, principalement des femmes, font état de conditions de travail difficiles et d’une reconnaissance insuffisante. Les défis incluent la polyvalence des secrétaires, la dématérialisation, et le recrutement. Des parlementaires et le groupe Facebook appellent à la préparation de la relève et à la création d’un cadre d’emplois spécifique.

Sylvie Gibel, envisage de créer une association départementale pour mieux représenter ses collègues. La profession, jugée « passionnante », est cruciale pour le fonctionnement des communes rurales.