Professeur de technologie en collège depuis vingt-deux ans, Karim voit de plus en plus de collègues désabusés, prêts à partir… “si seulement les passerelles entre le privé et l’enseignement étaient plus accessibles”.
Plutôt que d’attendre une opportunité, Il a construit la sienne. Il a pris une année de disponibilité pour lancer son entreprise de rénovation, un pari audacieux pour ce père de famille.

Quand Karim a commencé à s’interroger sur son avenir dans l’Éducation nationale, il y a environ cinq ans, il se souvient des regards effarés de ses collègues.

 » Mais aujourd’hui, c’est différent, on me dit que j’ai de la chance ! Le climat a changé. Beaucoup en ont ras le bol et feraient pareil s’il y avait plus de passerelles entre les métiers du privé et l’enseignement. »

Sa passerelle, Karim l’a construite seul. Il y a un an, il a décidé de prendre une année de disponibilité pour monter son entreprise de rénovation. Un pari risqué pour ce père de famille qui cumule vingt-deux ans dans l’Éducation nationale.

Entré dans l’enseignement après un DESS d’ingénieur technico-commercial, il raconte :

 » Il fallait que je bosse vite. Et puis ça m’a toujours intéressé d’enseigner, de renvoyer l’ascenseur social à des gamins qui en avaient besoin. »

Avec son Capes de technologie en poche, Karim passe dix ans dans les quartiers Nord de Marseille avant de décrocher un poste dans un établissement huppé.

« Une grosse désillusion.
Les parents qui te mettent la pression, qui te dévalorisent parce que tu fais de la techno… »

Financièrement, la situation devient intenable : deux enfants à charge, un crédit immobilier, et un salaire de 2 150 euros par mois.

“Quand Sarkozy a défiscalisé les heures supplémentaires, ça allait un peu mieux, confie-t-il. Mais quand ils les ont supprimées, c’est devenu trop compliqué.”

 

Karim tente l’expatriation, passe un an en Espagne, sans réussir à décrocher un poste pérenne.

“Ça a été la goutte d’eau.
En plus, les réformes à venir vont encore allonger notre temps de présence dans l’établissement, sachant que notre charge de travail a au moins doublé ces dix dernières années. On nous parle de sécurité de l’emploi dans le fonctionnariat, mais quand les règles du jeu changent au fur et à mesure… ”

Aujourd’hui, Karim teste son projet grâce à la possibilité de prolonger sa disponibilité jusqu’à six ans. Il devra ensuite choisir entre la réintégration ou la démission. Pour l’heure, il savoure sa reconversion :

“Je bosse du lundi au vendredi, de 8 heures à 19 heures, et je suis mille fois moins fatigué que quand je faisais mes 18 heures ! Quand j’entends les gens critiquer les profs, ça me fait bien marrer.

 

 

Les gamins me manquent parfois, mais je ne pourrais plus revenir et faire des choses auxquelles je ne crois plus.”

Depuis le milieu des années 2000, les pouvoirs publics se sont efforcés de développer la culture de la mobilité dans la fonction publique en la rendant plus attractive mais aussi en décloisonnant les corps et les cadres d’emplois au sein des trois versants de la fonction publique.