Le profond mal-être des agents communaux

 

Ils s’attellent à la tâche, ramassent les feuilles, comblent les nids-de-poule, mais leur souffrance demeure silencieuse. Les employés des services techniques, indispensables aux localités rurales, font face à un manque de reconnaissance et à un style de gestion déshumanisé.

 

« On ne peut plus faire de vidange d’huile, réparer une tondeuse à gazon, ni renforcer une serrure soi-même. C’est simple, notre atelier mécanique ne sert plus à rien. Tout est sous-traité. Pourtant, j’ai les solutions, je sais faire. Quel gâchis. »  Déplore Guillaume, avec quinze ans d’ancienneté et un salaire de 1 400 euros net.

 Guillaume est allé parler à son maire.  « Je lui ai demandé un avancement d’échelon. C’était “niet”, alors j’ai posé ma démission. Il n’a pas essayé de me retenir, juste répondu qu’il ne comprenait pas pourquoi je n’étais pas parti plus tôt. Ici, en un peu plus de deux ans, la moitié du personnel municipal est partie. Ils ont fait un audit mais il n’y a eu aucun changement, aucune remise en question. »

 

Ce mal-être est perceptible un peu partout chez les agents techniques des petites communes françaises. Les origines de leurs tourments sont multiples : un management vertical obsolète, des économies de bouts de ficelle, une absence de reconnaissance et de visibilité, une perte de sens aussi.

Dans une commune de 7 300 habitants du Calvados, on a déploré une vingtaine de départs d’agents municipaux en deux ans et même deux suicides parmi les effectifs. Dans un courrier adressé à la gendarmerie, fin août, des agents ont dénoncé « des situations difficiles à gérer psychologiquement après l’arrivée d’une nouvelle directrice des services ». L’organisation était chamboulée, les responsabilités supprimées, les binômes brisés : « Ces méthodes de management ont rapidement détérioré le climat au sein des services ».

Dans cette autre commune des Landes, les agents ont exercé leur droit de retrait en pour dénoncer « la dégradation de leur santé physique et psychologique » face à un maire aux méthodes autoritaires. En Loire-Atlantique, la quinzaine d’agents a fait grève, une semaine, et dénoncé « le manque de considération et la gestion indigne des agents municipaux ». Le maire a répondu par une prime exceptionnelle de 400 euros, un audit sur la qualité de vie au travail et un autre sur l’organisation des services.

 

Au minimum, ce mal-être laissé en l’état se traduit par une valse des agents, naviguant d’une commune à l’autre tous les deux ou trois ans. L’époque du cantonnier travaillant toute sa vie dans sa commune de résidence, tissant du lien social à tout-va, est révolue. « J’ai eu trois médailles du travail, mais, les dernières années, j’étais traité comme un pion. Si t’es pas content, tu peux te barrer, me disait-on », lâche cet agent retraité depuis cinq ans.

 

« Les bons éléments, qui s’y connaissent en électricité, en plomberie, ils ne savent plus les garder. »