Avant même la pandémie, les troubles de santé mentale représentaient déjà une part significative des arrêts de travail, avec environ 40% des cas, comme le souligne Mathilde Icard, directrice générale du centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale du Nord et présidente de l’Association des DRH des grandes collectivités. Aujourd’hui, cette proportion a grimpé de façon alarmante, « un agent sur 2 en arrêt long est confronté à un problème en lien avec la santé mentale comme le burn-out ou la dépression. C’est une problématique dont il faut s’emparer. »
Le Centre de Gestion (CDG) du Nord a pris des mesures depuis plus de trois ans pour aborder cette question de manière proactive. “À la suite des Assises nationales de la santé mentale et de la psychiatrie, un travail sur un programme de formation en santé mentale a été mené à destination des trois versants de la Fonction publique, explique Mathilde Icard. Il y avait une demande très importante sur ce sujet, notamment de la part des collectivités.” En collaboration avec des chercheurs du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) et des universitaires lillois, le CDG du Nord , cette initiative, encore expérimentale dans le Nord, vise à être étendue à l’ensemble des collectivités.
“Nous avons amorcé un travail de réflexion avec les agents concernés, détaille Mathilde Icard. Il était essentiel de partir des problématiques des agents, des élus, des organisations syndicales et des professionnels de santé pour apporter des réponses adaptées aux besoins.” Une formation spécifique pour les managers et la désignation de référents au sein des collectivités sont essentielles pour mieux appréhender et gérer les situations de détresse psychologique. “Il y a un besoin criant de sensibilisation des managers, des élus et des organisations syndicales qui avouent être souvent démunis face à des situations de détresse psychologique difficiles à gérer”, assure Mathilde Icard.
En outre, l’idée d’établir un réseau de pairs aidants, regroupant des individus ayant eux-mêmes été confrontés à des problèmes de santé mentale, montre une volonté d’approche empathique et inclusive. Il est essentiel, aujourd’hui, d’agir au maximum en amont avant que le trouble n’apparaisse, pour faire en sorte qu’il puisse cesser le plus tôt possible et que les personnes soient prises en charge de manière adaptée. « Le sujet doit être largement partagé, cette circulaire ne doit pas être vue comme un enjeu uniquement pour les professionnels de santé », souligne Mathilde Icard.
Le contenu de ce document, qui introduit la notion de secouriste en santé mentale, souligne la nécessité de nommer un référent au sein de chaque collectivité. Mathilde Icard insiste sur le fait que cela représente un défi managérial majeur. Pour que cette directive soit efficace, elle souligne qu’il est crucial de former un maximum d’agents, et pas seulement des référents en santé mentale. Elle affirme que cette question doit être une priorité et être intégrée à l’ensemble des structures organisationnelles. Selon elle, l’aspect le plus crucial est d’adopter une approche de prévention primaire, en comprenant les causes qui conduisent à de telles situations afin de maîtriser au mieux les risques.
“Personne ne peut se satisfaire de la situation actuelle, insiste Mathilde Icard. Une personne sur deux qui peut être concernée, c’est un échec pour nos organisations.” L’enjeu majeur est donc de détecter les signes de détresse psychologique dès leur apparition et de trouver des solutions pour empêcher que cela ne se reproduise. Selon elle, il peut s’écouler jusqu’à trois ans entre l’apparition des premiers signes et le basculement vers une situation critique.
Il est crucial de comprendre que la santé mentale ne concerne pas seulement les professionnels de la santé, mais également tous les acteurs au sein des organisations publiques. C’est pourquoi la circulaire introduit la notion de secouriste en santé mentale, soulignant ainsi l’importance d’une approche citoyenne dans la prise en charge des crises mentales, tout comme on le ferait pour les premiers secours physiques.
Par ailleurs, il est urgent de combattre la stigmatisation associée aux troubles mentaux, en reconnaissant que la souffrance psychique peut être temporaire et qu’une intervention adéquate peut avoir un impact considérable sur la vie d’une personne. En favorisant une culture de l’inclusion et de la compréhension, la Fonction publique peut contribuer à créer un environnement de travail plus sain et plus soutenant pour tous ses membres.