“Ce métier est considéré comme l’un des plus dangereux qui existent.”

Chez les égoutiers de Paris, il est difficile d’accepter le report de l’âge de la retraite. Guillaume, 38 ans, occupe le poste de responsable de la permanence des égouts de Paris, ce qui l’amène à intervenir à tout moment pour désengorger le vaste réseau d’égouts de la capitale. Il nous confie ses doutes et inquiétudes.

 

« Je suis fier de fournir un service public aux Parisiens et de travailler dans un secteur historique qui contribue à préserver un réseau vieux de plusieurs siècles. » 

Cependant, il est catégorique sur le fait qu’il ne se voit pas continuer à exercer son métier jusqu’à l’âge de 64 ans, comme le prévoit la réforme des retraites actuellement proposée.

« Dans les conditions actuelles, c’est un peu compliqué, on ne va pas se mentir. C’est un réseau considéré comme vraiment insalubre où on est en contact avec énormément de choses. Et moi je mets en danger ma santé. » 

La réforme du régime des retraites prévoit le recul de l’âge de départ de deux ans pour tous les Français. Cette mesure s’accompagne d’une accélération de la mise en œuvre de la loi dite « Touraine », qui allonge la durée de cotisation requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein.

« Auparavant, certains égoutiers pouvaient prétendre à une retraite à l’âge de 52 ans s’ils avaient passé au moins 12 ans sous terre, dont six ans consécutifs, soit dix ans avant l’âge légal. Pour bénéficier d’une pension à taux plein, ils devaient avoir cotisé pendant 32 annuités. »

Avec la réforme proposée, l’âge de départ serait porté à 54 ans et la durée de cotisation requise serait prolongée. explique Frédéric Aubisse, représentant syndical CGT

Pour Guillaume, qui ne passe pas suffisamment d’heures sous terre pour bénéficier de ce statut, le recul de l’âge de départ signifie qu’il devra travailler jusqu’à l’âge de 64 ans pour pouvoir prendre sa retraite, tout comme les autres égoutiers employés par des entreprises privées.

Les syndicats ont unanimement critiqué cette réforme, la jugeant trop brutale et non justifiée financièrement.

RISQUES TOXIQUES

« La permanence du service d’assainissement de la capitale intervient 24 heures sur 24, tous les jours de l’année, pour désengorger le réseau, effectuer des vérifications et répondre à divers incidents. Les tâches des égoutiers incluent notamment le nettoyage des parois, le retrait des lingettes susceptibles de boucher les conduits, et la gestion des déchets. »

En plus des difficultés physiques, les égoutiers doivent faire face à des risques sanitaires, notamment la présence d’hydrogène sulfuré (H2S), un gaz potentiellement mortel issu de la décomposition des matières fécales, et de particules d’amiante provenant des revêtements appliqués sur certaines canalisations pour éviter la corrosion.

 

« Ce métier est considéré comme l’un des plus dangereux qui existent ».

SURMORTALITE CHEZ LES EGOUTIERS

 

Une étude de l’INRS publiée en 2009 a révélé une surmortalité de 56% parmi les égoutiers de la Ville de Paris actifs entre 1970 et 1999 par rapport à la population de Seine-Saint-Denis, notamment en raison de maladies digestives et de cancer.

« Sur dix égoutiers qui partent à la retraite à 52 ans, la moitié décède avant d’avoir atteint 62 ans. »

Comme Guillaume, Stéphane, ancien militaire de 53 ans qui a rejoint le service de la Ville de Paris à 28 ans, se rappelle de collègues qu’il a perdus « dans la fleur de l’âge« . Lui-même s’interroge sur l’impact du métier sur sa propre santé, alors qu’il a passé près de 20 ans sous terre sans porter de masque.

Pour l’instant, il est en bonne santé, mais il trouve difficile de se projeter dans l’idée de travailler plus longtemps dans les conditions actuelles.

« Je pense que le gouvernement sous-estime ce qui peut se passer dans les métiers physiques. Il faut le vivre, passer plusieurs semaines quelques mois en notre compagnie (…) avant de pondre des lois comme celle-là. »

Les services de Matignon reconnaissent l’impact des allongements de carrière dans les métiers pénibles et exposés à des risques, mais mettent en avant les améliorations apportées aux régimes de retraite qui faciliteront les reconversions et encourageront la prévention.