Le 14 septembre 2023, le collectif Nos Services Publics a publié un rapport marquant sur l’état des services publics en France. Ce rapport, fruit d’un travail initié en janvier 2023, met en lumière un constat préoccupant : un décalage croissant entre les besoins sociaux et les moyens alloués aux services publics, entraînant des inégalités accrues, une place grandissante pour le secteur privé et des ruptures avec les agents publics ainsi que la population.

 

Arnaud Bontemps, co-porte-parole du collectif, explique que l’ambition de ce rapport est de jeter les bases d’un débat essentiel. Le collectif, rassemblant plus d’une centaine de personnes issues de divers horizons – agents du service public, chercheurs, experts et citoyens – vise à dépasser le débat stérile sur le nombre de fonctionnaires et les dépenses publiques pour se concentrer sur les besoins réels de la population et le rôle des services publics dans la société.

Un diagnostic documenté et transversal

Ce rapport offre un diagnostic documenté sur les évolutions des services publics dans divers domaines tels que la santé, l’éducation, le transport, la justice et la sécurité. Il se base sur les transformations démographiques, sociales, environnementales et technologiques qui ont modifié les besoins de la population. A. Bontemps souligne que, paradoxalement, les besoins de la population ne sont que rarement pris en compte lors de l’élaboration des politiques publiques, souvent orientées par des contraintes budgétaires.

Des exemples concrets de décalage entre besoins et moyens

En matière d’éducation, la proportion de bacheliers a considérablement augmenté depuis 1980, mais les inégalités se sont déplacées vers les filières suivies. En santé, les maladies chroniques ont augmenté de 30 % en dix ans sans adaptation du système de soins. Dans les transports, la désindustrialisation a accru la dépendance à la voiture, augmentant les émissions de gaz à effet de serre. La réponse insuffisante aux besoins des femmes victimes de violences illustre également ce décalage.

Les conséquences du fossé entre besoins et moyens

Le rapport identifie trois conséquences principales de ce décalage : l’augmentation des inégalités, la rupture entre services publics et citoyens, et la « désocialisation » des réponses aux besoins, avec un développement du secteur privé qui déstabilise le secteur public. La dématérialisation des procédures et les inégalités géographiques en matière de santé en sont des exemples frappants. Le recours croissant au secteur privé en éducation et santé, financé paradoxalement par des fonds publics, montre un secteur privé concentré sur les activités rentables, contrairement au secteur public qui a une mission d’accueil inconditionnel.

Un choix de société

A. Bontemps souligne que la société est face à un choix : répondre collectivement aux défis avec des services publics adaptés aux besoins de la population, ou laisser les sphères individuelles et privées prendre le relais. La transition écologique, par exemple, nécessitera des investissements massifs. Cependant, la trajectoire actuelle des finances publiques, orientée vers une baisse des dépenses et des impôts, réduit les moyens disponibles pour ces investissements et pour adapter les services publics aux besoins.

L’importance du débat public

Le rapport vise à lancer un débat public avec tous les acteurs concernés : agents publics, chercheurs, politiques et citoyens. La première présentation publique du rapport, à l’Assemblée nationale, a montré des convergences impressionnantes entre les diagnostics des divers participants. A. Bontemps espère que ce débat contribuera à reconstruire des services publics répondant aux besoins des gens, transformant ainsi le cœur du système public plutôt que de se contenter de changements à la marge.

En conclusion, le rapport du collectif Nos Services Publics met en lumière les défis majeurs auxquels les services publics sont confrontés en France et appelle à un débat essentiel pour redéfinir leur rôle et leur fonctionnement, avec une vision à long terme orientée vers les besoins de la population.

 


Ce que l’état de nos services publics dit de la France

Ce rapport sur l’état des services publics, structuré en cinq chapitres thématiques, explore le développement des principaux services publics – santé, éducation, transports, justice et sécurité, fonctionnement et finances publiques – en tenant compte des besoins sociaux et de leurs transformations depuis le début des années 1980, dans la mesure où les données disponibles le permettent. En s’ancrant dans une perspective historique, le rapport offre un récit clair et argumenté des évolutions de la société française à travers le prisme de ses services publics. En plus des analyses spécifiques à chaque thématique abordée dans les chapitres, l’examen des évolutions des services publics dans l’ensemble des secteurs étudiés permet de dégager cinq enseignements généraux :

 

  1. Au cours des dernières décennies, les besoins sociaux ont augmenté et évolué, souvent d’ailleurs du fait de la réussite, de l’échec ou des effets imprévus des politiques publiques passées (croissance démographique, allongement de l’espérance de vie, etc.). Les défis d’avenir – la transition écologique au premier rang – feront encore croître les sollicitations adressées au service public dans les prochaines années et les défis auxquels la société sera confrontée.
     
  2. Si les services publics ont été amenés à s’adapter pour répondre à l’évolution de ces besoins, les efforts engagés ont été insuffisants pour les prendre en charge de manière satisfaisante. Bien qu’ils aient été sporadiquement renforcés – le nombre de fonctionnaires a par exemple augmenté dans les vingt dernières années – les moyens des services publics augmentent depuis vingt ans moins rapidement que les besoins sociaux, et l’écart entre les premiers et les seconds tend à s’aggraver. La répartition de ces moyens, qui est le reflet des priorités politiques successives, reste souvent centrée sur des problématiques accessoires, souvent plus visibles politiquement, ou en décalage par rapport aux évolutions de la société et aux attentes de la population.
     
  3. Cet écart croissant entre les besoins de la population et les services publics conduit à l’existence, dans tous les secteurs, d’un espace grandissant pour une offre privée, désocialisée, de prise en charge des besoins. Fortement subventionnés, voire totalement solvabilisés par la puissance publique, ces services privés se développent sur des segments précis : les enfants de familles à fort capital culturel dans les écoles privées sous contrat, ou encore les actes médicaux les plus facilement programmables dans les cliniques privées.
     
  4. Les inégalités sociales et géographiques dans l’accès aux principaux services publics, voire dans le traitement des différents publics par l’action publique, ont connu une augmentation dans tous les secteurs. Les services publics sont également de moins en moins à même de remplir leur mission de réduction des inégalités dans la société.
     
  5. Impensé majeur de ces évolutions des services publics, le rapport des citoyens aux services publics se dégrade. Si l’attachement de la population aux grands services publics est réel, la confiance pratique qu’elle accorde à ces services est amoindrie. Les agents publics assistent, au premier rang, à cette détérioration du lien entre services publics et population, autant qu’ils en subissent directement les conséquences dans leur travail.

Source : Extrait de la synthèse du rapport sur l’état des services publics, p.7

 

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Source :
Nos services Publics

Par Nos services Publics

Publié le 06/10/2023

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