30 juillet 2025Les fragilités, Psychique

Vague de suicides : l’administration fiscale face à une crise humaine majeure

Treize suicides et huit tentatives depuis janvier 2025 : la Direction générale des finances publiques traverse une crise sans précédent. Plusieurs drames ont eu lieu directement sur les lieux de travail, provoquant une onde de choc au sein de l’administration et relançant le débat sur les conditions d’exercice dans la fonction publique.

L’alerte est venue de l’intérieur. Les syndicats, notamment Solidaires Finances Publiques, ont dénoncé une situation de plus en plus tendue depuis plusieurs années, aggravée par les réorganisations successives et les suppressions massives de postes. En dix-sept ans, la DGFiP a perdu un quart de ses effectifs. Résultat : une charge de travail alourdie, une pression hiérarchique croissante et un sentiment d’isolement professionnel renforcé.

Dans un contexte marqué par des fusions de services, des fermetures de sites locaux et des missions sans cesse reconfigurées, les agents expriment un mal-être profond. Plusieurs témoignages, relayés par Le Monde, Mediapart ou encore Euronews, évoquent la perte de sens, la fatigue psychologique et l’impossibilité de « bien faire son travail » comme autant de facteurs d’usure.

Face à l’émotion suscitée, l’administration a réuni en urgence les partenaires sociaux. Mais les premières annonces – notamment le renforcement de dispositifs d’écoute et de formation à la prévention – sont jugées très insuffisantes. Pire, les propos du ministre Éric Lombard, niant tout lien entre ces suicides et les conditions de travail, ont été largement condamnés. Pour les syndicats, renvoyer ces drames à des fragilités individuelles revient à nier la responsabilité structurelle de l’institution.

Solidaires Finances Publiques réclame des mesures immédiates et concrètes : des enquêtes systématiques après chaque suicide, une politique de prévention construite avec les représentants du personnel, et l’abandon de la logique d’austérité qui pèse sur les services depuis plus d’une décennie. Le syndicat souligne aussi que plusieurs des suicides recensés en 2025 ont eu lieu sur les lieux même de travail, un fait rare qui renforce la gravité de la situation.

Au-delà du cas de la DGFiP, cette vague de suicides révèle une crise plus large qui touche l’ensemble de la fonction publique. À force de rationalisations budgétaires et de réformes organisationnelles, l’État semble avoir fragilisé ses propres agents. Ce que les syndicats qualifient de « drame collectif » est aussi un signal d’alarme sur la santé mentale dans les administrations publiques. À ce jour, aucune réponse structurelle n’a encore été apportée par le gouvernement.

 

La crise à la DGFiP en chiffres

 

    • 13 suicides et 8 tentatives

Depuis le 1er janvier 2025, la Direction générale des finances publiques (DGFiP) a enregistré 13 suicides parmi ses agents et 8 tentatives, selon les chiffres communiqués par l’administration elle-même lors d’une réunion d’alerte début juillet (Le Monde, 8 juillet 2025 ; Euronews, 9 juillet 2025 ; Mediapart, 16 juillet 2025).

    • 2 suicides et 2 tentatives sur le lieu de travail

Au moins 4 des drames se sont déroulés directement sur les sites professionnels de la DGFiP, un fait rare et particulièrement marquant (Mediapart, Solidaires Finances Publiques).

    • -25 % d’effectifs depuis 2008

La DGFiP a perdu un quart de ses effectifs en 17 ans, passant d’environ 140 000 agents à 105 000 aujourd’hui (Mediapart, 16 juillet 2025). Cette baisse est régulièrement dénoncée comme l’un des facteurs clés de la dégradation des conditions de travail.

    • 50 % de sites supprimés

Entre 2008 et 2023, la moitié des implantations locales ont été fermées ou fusionnées, entraînant des réorganisations massives et un éloignement du service public de proximité (Solidaires Finances Publiques, juillet 2025).

    • 3 M€ par an pour la prévention ?

L’administration a annoncé un renforcement de ses moyens pour la prévention des risques psychosociaux, mais sans préciser de budget dédié. En comparaison, certaines collectivités locales consacrent entre 1 et 3 millions d’euros par an à des politiques de prévention spécifiques (Miroir Social, juillet 2025).

 

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