Mis à jour le 17 septembre 2025Éthique, Les fragilités

Un choc et des interrogations : après le suicide de Caroline, directrice d’école

Lundi 1ᵉʳ septembre 2025, jour de la rentrée, Caroline Grandjean, 42 ans, directrice de l’école à classe unique de Moussages (Cantal), s’est donné la mort. Depuis fin 2023, l’enseignante était la cible d’un harcèlement lesbophobe persistant : graffitis, lettres anonymes, menaces. Malgré plusieurs plaintes et alertes, elle se disait insuffisamment protégée par l’institution. Le ministère a annoncé la saisine de l’Inspection générale et l’activation d’une cellule d’écoute, tandis que les associations pointent des « défaillances » de protection. Au-delà du drame personnel, l’émotion traverse l’école publique. Communiqués syndicaux, tribunes d’enseignants, réactions d’élus : tous interrogent la capacité de l’institution à prévenir les violences homophobes et à protéger ses agents en souffrance.

Un ministère sans données chiffrées récentes

Le seul bilan national rendu public à ce jour remonte à l’année scolaire 2018-2019 : 58 suicides parmi environ un million d’agents, soit 5,85 pour 100 000. Depuis, aucune série annuelle consolidée n’a été publiée par le ministère, malgré une note de l’Inspection générale en 2019 qui recensait les données disponibles.

Faute de statistiques nationales actualisées, les signaux remontent localement. En Normandie, la FSU a comptabilisé neuf suicides et trois tentatives entre juin 2024 et janvier 2025 ; le rectorat dit avoir eu connaissance de six suicides et a lancé quatre enquêtes. Ces chiffres, alarmants, ne suffisent pas à établir une tendance nationale, mais ils nourrissent l’alerte.

 

Un risque professionnel, des minorités plus exposées

Comparer un ministère à la population générale exige prudence (structures d’âge et de sexe différentes). En France, 9 200 décès par suicide ont été recensés en 2022, soit 13,4 pour 100 000 habitants ; la baisse observée depuis les années 1980 s’est interrompue récemment.

Sur le terrain scolaire, les risques psychosociaux se cumulent : charge et organisation du travail, injonctions contradictoires, exposition aux violences (verbales, parfois physiques), sentiment d’isolement. Les personnels minorisés — ici, une directrice ouvertement lesbienne — peuvent se retrouver en première ligne, entre agressions extérieures et procédures lentes. Plusieurs médias détaillent que Caroline Grandjean a subi des injures et menaces homophobes répétées pendant des mois, jusqu’à son passage à l’acte.

 

Responsabilités et devoir de protection

Après la mort de Caroline Grandjean, le ministère a saisi l’Inspection générale et communiqué sur des mesures d’écoute dans la circonscription. Des associations, comme SOS Homophobie, dénoncent une protection insuffisante ; certaines voix syndicales demandent des procédures disciplinaires contre les manquements et un renforcement des moyens de prévention.

Plus largement, des experts et des collectifs de personnels réclament transparence statistique, enquêtes administratives rapides quand un lien avec le service est possible, et protocoles anti-LGBTphobies effectifs. Sans données régulières, il est difficile d’orienter l’action publique et d’évaluer l’impact des plans RPS (risques psychosociaux) académiques.

 

Prévenir plutôt que compter

Des dispositifs existent, encore trop méconnus :

  • 3114, numéro national de prévention du suicide (gratuit, 24/7).
  • 0 805 500 005, cellule d’écoute pour les personnels (Réseau PAS/MGEN, en lien avec l’Éducation nationale).

Le cas de Caroline Grandjean souligne ce double impératif : protéger concrètement les personnels ciblés (notamment pour des motifs discriminatoires) et éclairer l’action par des données publiques et régulières.

 

Sources : Le Monde.fr, Le Dauphiné Libéré, IGÉESR

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