“S’ils veulent agresser le surveillant, c’est sans aucune difficulté.”

 

Surpopulation carcérale, insalubrité des locaux, conditions de détention indignes, manque de personnel, malgré cette plongée dans l’univers carcéral profondément abimé de la prison les surveillants pénitentiaires tentent d’y faire régner paix sociale et semblant d’humanité.

848 détenus pour 434 places

Tous les lundis, Francis, fait un relevé des effectifs de l’établissement. Aujourd’hui, il a enregistré 848 détenus sur l’ensemble du centre pénitentiaire, pour une capacité d’accueil de 434 places.

Cette surpopulation n’est pas sans conséquence sur les relations entre détenus, et ce, au quotidien. Une situation critique qui pèse sur le travail des surveillants.

 

Cela représente un taux d’occupation de 195 %. Mais là où c’est très problématique, c’est à la maison d’arrêt homme du bâtiment A. On est à 533 détenus pour 233 places. Soit un taux d’occupation de plus de 228 %. C’est énorme. »

Imaginez, vous mettez dans une cellule de neuf mètres carrés trois individus avec un lavabo, une table et un toilette, détaille Francis. Il y en a un qui doit dormir par terre. Un qui fume, un qui ne fume pas, un qui est musulman, un qui est chrétien. Ça crée d’énormes tensions”.

“On a tous les jours des refus de réintégrer de la part de la population pénale. Le détenu, il refuse, parce qu’il ne veut pas dormir par terre, ce sont des conditions indignes. Nous, on a l’obligation de les rentrer en cellule. Donc ça finit soit en agression, soit en placement au quartier disciplinaire.”

Une loi bafouée

Francis a dix-sept ans de carrière. Son collègue Hubert, 24 ans d’expérience à la pénitentiaire. Il dresse le même constat et regrette que la loi ne soit jamais respectée. En France, l’encellulement individuel n’est respecté que dans les établissements pour peine (maisons centrales, centres de détention et de semi-liberté) destinés à accueillir des détenus condamnés à des peines au-delà de deux ans. 

Actuellement, on a pas loin d’une centaine de triplettes. Une triplette, c’est 3 détenus par cellule. Des cellules qui sont prévues pour 1. Depuis cent ans, la loi, c’est 1. Le problème, c’est que tant que les tribunaux envoient des mandats d’amener ou des mandats de dépôt, nous on a l’obligation de les prendre”.

On essaie de leur trouver une place qui correspond à leur profil, de les regrouper par affinité, quand c’est possible, pour limiter justement les risques d’énervement et d’agression. Mais c’est compliqué. On ne le fait pas de gaieté de cœur. Des fois, quand on enferme un troisième gars dans une cellule et qu’on voit la tête qu’il fait, on sait que ça va mal se passer”.

Des missions de réinsertion « mises de côté »

Francis détaille son quotidien : contrôler son effectif le matin, ouvrir chaque cellule de son étage et « s’assurer que tous les détenus qui sont dedans sont bien vivants ». Le tout en trente minutes chrono. Pour autant, la tâche n’est pas sans risque.

 

« Normalement, pour gérer un détenu, c’est minimum deux surveillants. Là, le surveillant se retrouve seul face à trois détenus. » 

« S’ils veulent agresser le surveillant, c’est sans aucune difficulté. »

 

Indignes pour les détenus, les conditions de détention sont aussi usantes pour le personnel pénitentiaire, qui certes s’en échappe et retrouve la liberté après le boulot, mais n’a pas les moyens de faire son travail « comme il faut« .

Ces conditions de travail et la multiplication des heures supplémentaires engendrent une lassitude, voire pire.

 

« Il y a des jours où vous n’allez pas de gaîté de cœur au travail. Vous venez à reculons, vous vous dites, ça va encore être compliqué, avec des gars qui peuvent être irrespectueux, qui risquent de vous insulter… Au bout d’un moment, vous craquez : vous prenez 15 jours de repos à la maison, puis vous revenez. Malheureusement, c’est ce qui se passe.«