C’était en juillet dernier. Le documentaire “Profs de fac, la vocation à l’épreuve” réalisé par Thomas Loubière et diffusé sur Arte avait mis le projecteur sur une réalité méconnue. Celle de la précarité d’une partie des enseignants-chercheurs. On y suivait, entre autres, le cheminement de Clémence, doctorante en dernière année de thèse, qui aspirait à être titularisée. On y découvrait, parmi d’autres, le quotidien complexe de cette jeune contractuelle.

En France, ils sont 18 881* professeurs à exercer dans l’enseignement supérieur public en tant que contractuels. 

« Pour pallier le manque de moyens financiers, les universités emploient plus de 100000 jeunes chercheurs en les rétribuant à un tarif horaire inférieur au salaire minimum”.

Après 7 ans et demi de recherche à l’Université Rennes 2, Clémence travaille à côté, fins de mois obligent : « Ça fait un an que je suis en contrat dans un musée en tant qu’agent d’accueil et de surveillance. Et j’ai eu beaucoup de mal à trouver ce travail. Et je me suis mis une pression de malade quand j’ai décroché cet entretien parce qu’à la fac, je ne suis pas payée en fait.”

Clémence a, comme on le dit, « la vocation”. Pour elle, il est encore trop tôt pour baisser les bras. “Je ne peux pas accepter, de là d’où je viens, que l’université publique n’ait plus de sens. Sinon, je m’effondre.” Son attachement au système d’enseignement supérieur n’est pas étranger à sa résilience : « (…) Si on renonce tous, ce sera quoi notre université de demain ? ”.

La soutenance de sa thèse approchant, elle s’accroche mais les stigmates sont bel et bien là : « Il faut vraiment que ce soit difficile jusqu’au bout, qu’on soit méritant jusqu’au bout, pour espérer, peut-être, qu’on nous dise qu’on est légitime d’avoir fait ce qu’on a fait.” En avril 2022, Clémence obtient le graal : le grade de docteur.

Pourtant, tout est loin d’être gagné, à commencer par la sécurité de l’emploi. En septembre 2022, un poste se libère dans son université. Résultat ? Un CDD d’un an payé l’équivalent d’un Smic.

Ces 10 dernières années, le nombre d’étudiants dans l’enseignement supérieur a littéralement explosé. Parallèlement, la situation s’est tendue pour de nombreux enseignants-chercheurs. Il faut dire que la situation d’une autre partie de la population enseignante, les vacataires, n’est guère plus rose. Les vacataires sont ces professeurs rémunérés au cours. Le statut, à l’origine créé pour permettre aux intervenants professionnels extérieurs de donner ponctuellement des cours, montre aujourd’hui ses limites. 30 000 à 60 000 jeunes chercheurs, en attente de titularisation, vivent principalement ou uniquement des vacations, comme nous l’apprend un article de Libération publié au mois d’avril.

“Nous touchons le plus souvent moins de 500 euros par mois, sur quelques mois par an. À ce tarif, nous ne représentons que 0,6 % des dépenses pour l’enseignement supérieur (environ 200 millions d’euros sur 34 milliards). Ramené à la part des enseignements que nous fournissons, nous touchons 2 à 3 % de la valeur de nos cours… ”

 

À la précarité financière s’ajoute la précarité des situations, avec, le plus souvent, des professionnels travaillant sans contrat, payés à l’heure de cours avec des délais… de plusieurs mois. L’ensemble de ces conditions avaient, au printemps, conduit le collectif à appeler au blocage des notes du deuxième semestre 2023 afin d’obtenir un doublement de la rémunération des enseignements-chercheurs vacataires.

Le site du collectif vacataires.org recense quelques statistiques éloquentes. Alors qu’ils représentent la majeure partie du corps de l’enseignement supérieur public (60 %), soit 130 000 enseignants, soit encore, le double des titulaires, la valorisation est loin d’être leur pain quotidien, au moins en termes de rémunération. Si l’on en croit les informations délivrées par le site, elle serait inférieure au Smic horaire. En sus des heures de cours, de leur préparation et de la correction des copies, s’ajoutent, non quantifiées, la correction de copies supplémentaires ou la surveillance d’examens.

 

Pour aller plus loin :
vacataire.org ; « Profs de fac, la vocation à l’épreuve » réalisé par Thomas Loubière