“Le patient n’existe plus du tout”

Azzedine, pneumologue de 52 ans, exerce aujourd’hui en libéral après 20 années passées à l’hôpital public.

“C’est l’hôpital public qui m’a permis de faire ce que j’aime : soigner les gens. Ce qui m’a fait partir, c’est cette perte de sens. À l’hôpital, ce n’est plus celui qui prend soin des patients qui décide, ce sont des gens en costard cravate qui sont dans des bureaux et qui manipulent du matin au soir des tableaux Excel, des chiffres. Le patient n’existe plus du tout dans cette équation.”

“Les conditions de travail se sont dégradées, les moyens ont diminué. Quand on vous dit qu’il faut que le patient dégage parce qu’il faut libérer des lits, mais qu’il n’est pas stabilisé et que vous allez voir la famille en leur disant qu’il faut sortir, vous avez face à vous de l’incompréhension, de la colère et les administratifs ne viennent pas vous soutenir. On se sent seul au monde à ce moment-là. Tout ce qui faisait l’attrait de l’hôpital public a disparu. Les gens ont de bien meilleures conditions de travail et de salaire en libéral ou dans les cliniques privées.”

“Un décalage entre la théorie et la pratique”

Amélie, 36 ans, est en stage dans l’humanitaire. C’est une ancienne professeure des écoles qui a exercé à Paris, en Allemagne et à Clermont-Ferrand pendant une dizaine d’années. Elle a obtenu sa rupture conventionnelle durant l’été 2022. C’est une ex-syndiquée à la FSU.

“Je suis devenue professeure des écoles en 2013. Ce qui m’a motivée, c’est que j’étais passionnée par les sciences de l’éducation et j’avais aussi envie de travailler avec des enfants. Ma première année a été vraiment très intéressante, mais j’ai découvert le décalage entre la théorie et la pratique. C’est un boulot de préparation de fou, en classe c’est un travail d’adaptation permanent. On est souvent isolé, on n’a pas assez de temps pour faire correctement les choses.”

“J’avais des classes avec des gamins qui ne parlent pas français. Il faut qu’on se batte pour qu’ils aient des heures de français pour les allophones et à la fin ils n’ont que deux fois 45 minutes dans la semaine, ce n’est pas suffisant. On ne leur donne pas ce dont ils ont besoin et ce à quoi ils ont droit !”

“Je suis scandalisée qu’on ne soit pas payés plus. C’est quand même incroyable pour un enseignant de se demander “est-ce que je peux vraiment garder ma voiture parce que ça me fait trop de frais ?”. Mais ce n’est pas ça qui m’a fait partir. Je ne serais pas du tout opposée à revenir dans la Fonction publique, mais de fait, pour le moment, j’ai choisi une autre voie.”

Pour aller plus loin :
Le Télégramme