Sébastien, un militaire de 30 ans, a vécu des horreurs pendant son déploiement en République centrafricaine en 2014, où il a été confronté à des violences interreligieuses et des scènes de guerre brutales. Cette expérience lui a laissé un syndrome de stress post-traumatique, mais après deux ans de lutte, il est maintenant en rémission et a retrouvé son aptitude au métier des armes.

 

« Je suis atteint d’un syndrome de stress post-traumatique. Je suis en rémission. Ne plus pouvoir poursuivre mon métier aurait été un crève-cœur. Mercredi dernier, un médecin de l’hôpital militaire de Brest m’a déclaré de nouveau apte au métier des armes. Une belle victoire après deux ans d’errements, de souffrances, de doutes. Le chemin a été difficile. »

Son parcours témoigne de la réalité souvent occultée des conséquences psychologiques de la guerre sur les soldats. Sébastien décrit comment la vie au front était difficile, avec des conditions de vie extrêmes et une menace constante. Il raconte la violence des affrontements et la difficulté à trouver un sens à cette barbarie.

« En 2014, avec l’opération Sangaris, des troupes françaises sont envoyées en République centrafricaine pour mettre fin aux violences interreligieuses. Des affrontements sanglants opposent milices chrétiennes anti-balaka et rebelles musulmans de la Séléka. Avec d’autres militaires, j’y suis déployé au sein d’un petit détachement.

Je passe cinq mois en forêt équatoriale. Les conditions de vie sont très dures, la menace omniprésente. Nous dormons peu, et en permanence avec nos armes. Les exactions se multiplient, la guerre civile confine au génocide. Nous sommes aux premières loges des massacres. »

 » Nous devons faire face à des corps mutilés, des charniers, des cadavres à compter dans des fleuves.

En même temps, il faut trouver un sens à l’inexplicable, à la barbarie, à la sauvagerie… C’est oppressant mais je n’ai pas l’impression d’être choqué. Au final, ça devient la normalité. Je prends encore et chaque jour un peu plus.

Bien plus tard, j’apprendrai qu’une telle charge se partage. Sur place, je suis en état de surexposition, pas le temps de s’apitoyer, la mission est ma priorité. »

De retour en France, Sébastien lutte pour s’adapter à la vie civile. Il ressent une colère persistante et des accès de violence incontrôlée, ce qui affecte sa vie familiale et ses relations personnelles. Malgré le soutien de sa femme et de sa famille, il refuse de parler de son expérience et refuse même de reconnaître sa propre détresse.

 » Tout m’horripile. J’ai des accès de colère. Je suis capable de descendre de mon véhicule parce que la personne devant moi ne passe pas assez vite au feu vert. Je peux avoir des gestes brutaux. Je m’occupe à peine de mes enfants. Je fais souffrir ma conjointe, ma famille.

Je refuse de parler de ce que j’ai vu pendant ma mission. D’une pudeur extrême, je me referme dès qu’on aborde le sujet. J’ai des tics, je frotte l’une de mes jambes à la recherche d’une hypothétique arme afin de me sentir protégé, je m’enfonce dans un déni. Mes chefs s’en rendent compte. »

Grâce à l’intervention de ses supérieurs et à un traitement psychiatrique, Sébastien trouve finalement le chemin de la guérison. Il reconnaît le soutien crucial de ses camarades de combat et le rôle déterminant de sa famille dans son rétablissement.

 » En dévoilant ce que j’ai vécu, je progresse. Mes camarades de section veulent que je reprenne ma place. On m’apprend que je suis un blessé de guerre. Face à cette blessure invisible, je préfère utiliser le terme de maladie.

Pour moi, un camarade qui a perdu un bras ou une jambe est un vrai blessé de guerre. En qualifiant un syndrome de stress post-traumatique de maladie, j’y vois une résilience possible. On peut en revenir, en guérir. Mais je sais aussi que je dois m’accrocher ; croire que c’est gagné reste présomptueux.

 

C’est pourquoi je tiens à témoigner. J’ai eu le soutien de mes frères d’armes. Certains d’entre eux cachent encore qu’ils sont en souffrance. Ce sont eux que je veux toucher.