C’est le constat amer de Pierre, professeur de mathématiques, qui après des années de lutte pour sa mutation en Normandie, a finalement obtenu cette mutation pour la rentrée 2023. Cependant, au lieu d’être affecté à un poste fixe, il se retrouve à naviguer entre trois établissements, avec la responsabilité d’une classe seulement dans deux d’entre eux. Une situation qu’il trouve incompréhensible, d’autant plus que la pénurie d’enseignants est critique.

 

Pierre exprime un sentiment « d’injustice et d’écœurement » face à cette situation. Malgré ses sept années d’efforts pour rejoindre la Normandie, il se sent « maltraité » par l’Éducation nationale en cette rentrée scolaire 2023-2024. La pénurie d’enseignants est criante, mais lui se retrouve nommé « dans trois établissements scolaires différents, dont le plus éloigné se trouve dans la Manche, à presque une heure de mon domicile ». Il qualifie cette situation de « véritable aberration pédagogique. Cela m’empêche de m’investir dans la vie du collège, de créer des liens avec mes collègues ou même d’effectuer un suivi correct des élèves dont j’ai la charge. »

« Les professeurs sont là pour boucher les trous […] Certains collègues prennent des heures supplémentaires afin d’obtenir un complément de salaire, sans pour autant trop charger leur semaine. Cela laisse bien souvent une ou deux classes sans professeur dans les établissements.  »

Une difficulté partagée par de nombreux titulaires d’une zoen de remplacement (TZR). Malgré une importante offre de postes sur le site de l’académie de Normandie en ce début d’année, Pierre constate que «Quand on regarde dans le détail, il ne s’agit que de postes avec des petits volumes horaires. Les TZR se retrouvent avec les miettes. » Face à la pénurie, les chefs d’établissement inciteraient les professeurs à travailler davantage, « On nous met la pression pour accepter des heures en plus. Comme il y a très peu de volontaires pour le pacte enseignant, les proviseurs se retrouvent avec des heures à refourguer. »

 

Pierre soulève également des problèmes liés à la rémunération des heures supplémentaires dans le cadre du pacte enseignant mis en place par le gouvernement à la rentrée 2023. « En signant le pacte, on perd de l’argent par rapport aux heures supplémentaires qu’on acceptait, auparavant, pour assurer des remplacements de courte durée ».

 En plus de ces défis, Pierre doit faire face à des trajets interminables, parcourant environ 500 km par semaine, ce qui s’ajoute à une prise en charge incertaine de ses frais kilométriques. 

« J’ai fait une demande pour les mois de mars, avril, mai et juin de l’année dernière. Je n’ai toujours rien reçu. »

Aujourd’hui, épuisé, Pierre envisage sérieusement de changer de métier malgré son amour pour l’enseignement, « C’était une vocation, j’ai toujours aimé faire ça. » Le contact avec les élèves reste « le dernier point positif », mais ça ne suffit plus. « Il est peut-être temps de changer de métier. »

 

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