Chaque jour, policiers et gendarmes risquent leur vie en permanence sur le terrain, confrontés à de graves dangers en faisant leur métier. Depuis quelques années, les refus d’obtempérer sont en hausse en France. Dans cette liste, le maréchal des logis chef Mikaël fait figure de miraculé. Gendarme dans la Manche, Mikaël a été grièvement blessé en janvier 2020, à cause un refus d’obtempérer. Il raconte sa lente reconstruction, physique et psychique.

 

Percuté délibérément

En 2020, lors d’un contrôle, il a frôlé la mort. L’homme, qui a souhaité garder en partie l’anonymat, livre aujourd’hui un poignant témoignage. Le 15 janvier 2020, il était 22h30 quand avec deux autres militaires de la gendarmerie d’Avranches (Manche), il s’apprêtait à contrôler un véhicule, dans le cadre d’une opération de recherche d’un véhicule volé.

À l’approche de la voiture, le gendarme s’est rapidement dirigé dans sa direction afin de projeter un « stop stick » sous les roues et stopper son avancée. C’est alors que le conducteur, identifiant la manœuvre du militaire, s’est déporté franchement vers lui afin de le percuter délibérément.

Des séquelles à vie

Le militaire a été violemment heurté par le pare-chocs avant de la voiture et sa tête a frappé le pare-brise.

« Je me souviens du choc et de cette douleur indescriptible qui vous paralyse. J’entends les tirs de mes collègues. C’est l’instinct qui parle. Je me vois me traîner au sol puis mes camarades me prendre en charge. Après, c’est le trou noir. »  

  « Au réveil, je découvre que je ne peux plus bouger. Viennent les questions, les appréhensions sur les suites. Cela occupe intégralement mes pensées. J’avais trois fractures au bassin, une fracture à la main gauche, de multiples plaies et hématomes au visage. »

 

Après une batterie d’examens, il apprend qu’il pourra remarcher mais avec des séquelles.

« Il y avait un certain soulagement mais j’ai passé une longue période alité. On ne se sent plus un homme. On est incapable de réaliser les petits gestes du quotidien. Cela met un coup au moral. On est dépendant des infirmières. Je leur dois beaucoup. »  

Le parcours du combattant

La suite s’apparente à un véritable parcours du combattant, mais cette fois pour se reconstruire physiquement et psychologiquement. Le gendarme a suivi une longue rééducation

« Les progrès vont et viennent durant cette période. Cela va moins vite qu’on l’espère. »

Il est également suivi par deux psychologues (un du groupement, un autre en externe).

« Le plus gros problème à gérer, c’est l’image négative de soi. Elle s’est estompée avec le temps. Le suivi psychologique n’a pas été négligeable. On n’est plus vraiment la même personne. Les séquelles sont pesantes. Les douleurs au dos, la main invalide, la fatigue. La personnalité change. Il faut aussi l’accepter. Je n’aurai plus le même physique. Mais je pourrai toujours servir autrement. »

 

« Par chance, je suis resté gendarme »

De ses longs mois de convalescence, il est sorti marqué psychologiquement et son invalidité l’empêche aujourd’hui de repartir sur le terrain. Porté par une détermination et le soutien sans faille de ses proches et frères d’armes, il a su rebondir et tente aujourd’hui de se réinventer un avenir au sein de la Gendarmerie.

« Par chance, je suis resté gendarme. Depuis un an et demi, je réceptionne les appels d’urgence du 17 au CORG (Centre d’opérations et de renseignement de la gendarmerie, NDLR). Cela me permet de garder le contact avec le terrain mais il y a toujours cette frustration », assure le gendarme qui a revu ses priorités. « Ce refus d’obtempérer a cassé mes objectifs de carrière. Je savais que cela pouvait un jour m’arriver. Malgré les blessures, je n’ai jamais regretté mon geste. J’ai fait ce que j’avais à faire. ».

En chiffres

Selon les chiffres de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, la hausse des refus d’obtempérer est de 46,6 % entre 2010 et 2019 en France. Le nombre de ces délits en zone police et gendarmerie s’élevait à 26 320 en 2021, contre 25 871 en 2020 et 25 599 en 2019, selon le ministère de l’Intérieur. En France, un refus d’obtempérer survient toutes les vingt minutes. Près de 20 000 faits sur les huit premiers mois ont déjà été constatés en 2022.

Il y a eu plus de 9 000 policiers et gendarmes blessés en mission depuis trois ans dans ces circonstances, première cause de blessure dans la police et la gendarmerie nationale.