Devenir magistrate, c’était pour elle une vocation, l’envie d’exercer un métier au service de la justice et de l’équilibre social. Mais à son arrivée dans une petite juridiction, la réalité s’impose brutalement : une charge de travail démesurée, des moyens insuffisants et l’absence totale de soutien face à une pression permanente. Peu à peu, son quotidien s’est transformé en une course épuisante, révélant les failles d’un système à bout de souffle.

Quand elle prête serment, cette jeune substitut du procureur est convaincue qu’elle pourra faire du droit une arme d’équité.

 » Je voulais poser la loi sans brutalité, aider à apaiser des situations parfois explosives. C’était ma vocation.« 

Trois ans plus tard, son rêve s’est effrité :

 » Je n’ai pas trouvé une institution protectrice, mais une machine à broyer. « 

Son premier poste se situe dans une juridiction de province. Très vite, les piles de dossiers s’accumulent.

«  Quatre contentieux lourds, les permanences, les audiences… et personne pour m’aider à m’organiser. Je passais mes samedis et dimanches à rédiger, pour ne pas être noyée le lundi. ”

 » Je récitais parfois mes conclusions sans avoir eu le temps de relire le dossier. Ça me déchirait, mais je n’avais pas d’autre choix. ”

L’angoisse devient son quotidien.

 »  Je rentrais le soir avec la boule au ventre. Je me demandais sans cesse : ai-je oublié une victime ? Est-ce que j’ai appliqué la mauvaise peine ? « 

 » Je me réveillais persuadée d’avoir commis une erreur irréversible.  Ma vie est devenue une suite d’angoisses en série. « 

Pas de soutien, pas de suivi psychologique, pas d’écoute. Elle déplore une absence totale de management humain.

 »  On enchaîne les affaires terribles – un féminicide, un suicide en détention – et le lendemain, on retourne à l’audience comme si de rien n’était.  Nos chefs ne sont pas formés pour nous protéger. La seule règle, c’est de tenir. Peu importe le prix. « 

Aujourd’hui, elle ose parler, espérant briser le silence.

 »  La justice est malade. Et elle rend malades ceux qui la font tourner. Nous avons besoin d’aide, pas juste de bras en plus, mais d’une vraie prise en compte de notre santé.« 

 » On ne peut pas rendre une justice digne dans ces conditions. «